J'ai eu du mal à m'arracher aux rives du Baïkal et j'ai prolongé un peu mon séjour à Irkoutsk.
Je suis retournée une troisième fois à Listvyanka avant de partir ; c'est facile, il y a toujours des marshroutkas au marché central et le trajet dure à peine une heure.
Cette fois, la glace avait suffisamment fondu pour qu'on ne puisse plus aller sur le lac à pied, mais il faisait bon sur la plage.
J'ai savouré mes 2 derniers omuls frais fumés cuits à la vapeur, et j'ai poireauté pendant 1 heure avec les gens qui faisaient patiemment la queue pour une marshroutka dimanche soir,
en compagnie d'une guide francophone d'Irkoutsk que j'avais rencontrée 2 semaines auparavant à Uzuri, et d'un secouriste daghestanais qui avait le mal du pays.
Radik, le daghestanais, m'a appris que dans sa langue (le tabassaran, une des 14 langues officielles de cette petite république du Nord Caucase), il y a quarante cas de déclinaison. Avis aux amateurs : en voilà une destination intéressante pour un futur stage linguistique !
Après 2 semaines de cours de russe + diverses visites et activités culturelles à Irkoutsk, je suis venue faire un dernier petit tour sur le Baïkal.
La glace s'est presque complètement transformée. Les belles plaques translucides ont laissé la place à des plaques cristallisées qui commencent à s'émietter et à se disloquer.
Les barrières de toross ont fondu, il reste juste de petits tas de vitres par ci par là. Ça tombe bien, j'avais oublié d'en photographier avec le smartphone pour vous montrer comme c'est transparent.
Pratique si vous voulez construire un igloo avec véranda ou baie vitrée (à ceci près qu'il n'y a pas assez de neige pour faire des igloos ici).
Une bande de joyeux lurons de l'Altaï est venue me saluer. Ils étaient amusés de me voir occupée à photographier conscienceusement des glaçons, objets qu'ils n'utilisent habituellement que sous forme pilée dans de petits verres de vodka, je pense. Ils m'ont dit que je devrais venir visiter l'Altaï, y aussi des lacs gelés et l'eau de la rivière Katun est belle.
Les failles se sont considérablement élargies, seuls les podushki peuvent encore circuler sur le lac.
J'ai vu un piéton qui voulait faire le malin pour épater une nana ; il a sauté la première faille devant le port de Listvyanka. Il a failli passer à l'eau mais s'est bien rattrapé, il ne s'est mouillé qu'une jambe...
Ah, ce matin il fait beau et y a presque plus de vent (hier on se pelait ici, il a neigeoté de la poudreuse...), alors vous avez droit à un petit rabe de glaçons.
Vous en avez peut-être assez, mais moi, je ne me lasse pas de la glace du Baïkal...
Je commence à être un peu comme certains Irkoutskiens qui sont fanas du Baïkal ; j'ai juste du mal à les croire quand ils disent que le Baïkal, c'est encore plus chouette en été.
Je pense plutôt, comme dit un proverbe sibérien, qu'il n'y a pas de mauvais temps, il y a de mauvais vêtements. Encore que... pour les photos, c'est quand même mieux quand on peut se passer de moufles.
Plutôt que de refaire le tronçon par lequel j'avais démarré la semaine précédente, je me suis fait déposer au niveau du détroit dit des Portes d'Olkhon par une marshroutka qui ramenait un groupe de touristes chinois à Irkoutsk.
J'ai été photographiée par tous les touristes chinois dès que que le chauffeur a descendu mon vélo de sa galerie de toit.
Je roulais tranquillement depuis à peine 1/2 heure quand un cycliste m'a rattrapée. On a fait route ensemble toute une journée.
Vladimir venait de Krasnoïarsk. On a comparé nos équipements respectifs.
Vladimir, comme le premier cycliste russe que j'avais croisé il y a quelques jours, voyage très léger avec seulement 1 paire de sacoches, mais il avait des accessoires intéressants. En particulier un grappin à repêcher les vélos, et une paire de tournevis à lame très courte portée en collier, au cas où il doive se sortir lui-même d'une faille.
Il a été intéressé par mon assortiment dynamo + chargeur, et a eu pitié de mes douillettes bottes à semelle sans clous. Il était prêt à me les convertir en semelles cloutées avec son stock de vis, comme il l'avait fait pour ses chaussures VTT. Mais il a finalement partagé mon avis et n'a pas percé mes semelles.
Vladimir est un mordu de voyage à vélo et de géographie (il est depuis de nombreuses années membre de la Société russe de géographie), et il connaît bien aussi l'histoire de la Sibérie. Il m'a montré une centrale électrique qui fonctionne avec les courants circulant sous la glace des Portes d'Olkhon, m'a expliqué comment on appelait différents types de glaçons en russe, m'a montré ses photos de trous de phoque, et m'a guidée jusqu'à Elantsy en passant par Ërd, site d'un grand festival et d'une montagne sacrée pour les Bouriates.
Le seul inconvénient, c'est que Vladimir roule à un rythme assez soutenu, mais bon, comme il a remarqué que j'avais un peu de mal à suivre, il a porté mon gros sac vert... C'est qu'une fois qu'on a accosté, pour rejoindre la route à Elantsy, c'était rudement vallonné, et en plus les passages au soleil étaient boueux.
Enfin, cerise sur le gateau, Vladimir m'a invitée chez un de ses amis de longue date qui se trouve être le shamane le plus connu de la région. Par chance, le soir même le shamane Valentin Khagdaïev animait une conférence sur la culture et les traditions bouriates pour un petit groupe de VIP moscovites.
Le problème, c'est que Valentin parle russe vite, avec un fort accent bouriate (langue très proche du mongol), et en avalant les syllabes non accentuées.
Je ne pourrai donc pas vous résumer tout ce qu'il a expliqué ; ça devait être passionnant, car Valentin est un gars modeste mais très cultivé. Il avait déjà son doctorat de philo quand il a été désigné chamane pour succéder à son grand-père.
Valentin nous a hébergés à Elantsy et le lendemain, fin du retour à Irkoutsk en marshroutka.
J'ai finalement trimballé pour rien les 10 broches à glace que j'avais louées à Irkoutsk : chaque soir de mon petit périple, j'ai pu passer de la glace à un petit coin plus confortable sur l'île, un petit peu à l'abri du vent.
Mais ça ne m'a pas empêchée, la fois où j'avais oublié de bien refermer toutes mes sacoches sous l'abside de la tente, de trouver les sacoches pleines de poussière et d'aiguilles de mélèzes le matin... En fait cette nuit-là, le vent n'était sûrement pas resté sagement au niveau 3 beaufort prévu la veille par la météo...
Avant et après le tour de l'île, j'ai traîné à Khujir, le seul gros village d'Olkhon.
On y trouve des magasins qui vendent, entre autres, de petites boîtes de filet d'omul mariné dont les couvercles fuient,
des hôtels ou maisons d'hôtes, et une plage confortablement aménagée au pied du rocher du Shaman.
Dans les hôtels, les affichettes d'info sont plus souvent traduites en chinois qu'en anglais.
Comme je lis le russe, j'ai quand même compris qu'il était explicitement interdit de rentrer sur les planchers ou parquets avec ses crampons, et de laver ses bottes dans la douche.
Ce soir, première pluie depuis le 5 mars pour moi, et depuis le début de l'hiver pour les Irkoutskiens ! J'en profite pour rattraper un peu de retard du blog.
Lors de mon petit tour de l'île d'Olkhon, j'ai vu pas mal de monde le long de la côte Ouest, mais seulement un cycliste et 2 petits groupes de randonneurs côté Est. En effet, un seul des petits villages de l'île (Uzur, minuscule hameau où j'ai fait le plein d'eau chaude à l'accueillante station météo) donne sur la côte Est, plus escarpée.
C'est tout près d'ici que le lac atteint sa profondeur maximale de 1640 m. Et encore, ça, c'est juste jusqu'aux sédiments ; le fond rocheux est 6 km plus bas, soit environ 7000 m sous le niveau de la mer...
A l'ouest par contre, non seulement c'est plus fréquenté mais il y a une vraie route balisée entre Sakhyurta et l'île,
et un véritable tronçon d'autoroute près de Khujir.
Interruption momentanée du programme de mise à jour pour cause de panne de courant prolongée ce soir à l'hôtel. C'était romantique, dans la cuisine commune on a pu dîner aux bougies + frontales, mais j'ai eu la flemme de recharger mon smartphone avec la dynamo du vélo.
Pour vous faire patienter, je vous remets un peu de glace
et encore une vue du coucher de soleil au Cap Burkhan...
La faune et la flore du Baïkal sont plus riches et diversifiées que celle des autres régions de Sibérie. Mais je n'en ai vu moi-même qu'une infime partie.
Bien sûr l'hiver n'est pas le bon moment pour découvrir la flore ; mais j'ai pu admirer quelques jolis coins de taïga. La taïga est une forêt claire (pas de buissons entre les arbres) , avec des bouleaux, des épicéas, des pins, des cèdres et les plus résistants, des mélèzes.
J'ai vu des omuls au marché et dans mon assiette, des nerpas et quelques autres poissons dans l'aquarium du musée à Listvyanka, des canards à l'embouchure de l'Angara, quelques corbeaux, des vaches et des chevaux, un ours en cage, des chiens de traîneau, plusieurs "chiens méchants" (d'après les pancartes) très affectueux, des chats plutôt bien nourris qui cherchaient les coins les plus douillets pour faire la sieste (le top, c'est le rayon laine et cachemire des boutiques de souvenirs), et bien que l'hiver soit la basse saison ici, des touristes de diverses espèces.
Les 2 plus répandues sont les Chinois en groupe près des villages avec desserte routière + hôtel, et les randonneurs russes, souvent équipés de patins.
Cette dernière espèce est capable de résister à des conditions extrêmes allant du bivouac par -40°C avec réchaud en panne (y a du bois sur les rives) aux banyas (la version russe du sauna) à +100°C, en passant par des bains à +2°C (l'eau à 2°C, pas l'air).
J'ai aussi vu des pêcheurs équipés de grandes chignoles et d'une tente, des randonneurs marcheurs, des touristes à moto-neige (dont un gamin qui tractait son père sur une luge), et 2 cyclistes.
Attention si vous voulez faire des comptages des différents types de randonneurs : assez souvent, les patineurs se transforment en marcheurs dans les zones où la glace est un peu cahotique.
Les Russes utilisent souvent des patins spéciaux pour randonner : ils sont longs (40 cm) et la fixation ressemble beaucoup à celle des skis de fond. D'ailleurs les rando-patineurs ont aussi des bâtons.
Marcheurs et patineurs transportent leur barda dans des pulkas. Ce sont souvent de simples luges à patins métalliques, ou parfois des pulkas plus sophistiquées.
Quand ils ont le vent dans le dos, là où la glace est lisse les marcheurs s'assoient sur leur luge et ils se contentent de pousser un peu avec les bâtons. Enfin, ma prof de russe à Irkoutsk m'a dit qu'elle avait parfois vu des pulkas à voile.
Je suis de retour à Irkoutsk : c'est terrible, le dégel ici est déjà bien avancé. Ils semblent déjà loin, les bivouacs tranquilles avec vue, et les grasses matinées avec givre sur le sac de couchage dont l'intérieur était enfin réchauffé.
Ah, je précise, parce que ce petit détail peut être important si vous envisagez de bivouaquer par temps très froid : le givre ne venait pas de la condensation de l'humidité de l'air ambiant. Dans la région d'Irkoutsk, c'est un froid bien sec. Le givre venait essentiellement de la condensation de l'air qui sortait de mon nez ou de ma bouche.
Alors autant l'avouer tout de suite, je n'ai pas fait l'expérience du vrai froid sibérien ni des terribles vents du Baïkal. J'ai eu de la chance avec la météo pendant que je me promenais à vélo : d'après les bulletins de 3 stations météo situées sur le Baïkal, le vent n'a pas dépassé 4 en moyenne sur l'échelle de Beaufort (mais bon, y avait des rafales au-dessus de la moyenne, et ça suffisait à faire baisser ma vitesse de pointe à 10 km/h quand il était de face...), et la température n'est pas descendue en-dessous de -15°C, soit 258 K.
Sur la plage de mon dernier bivouac avant le retour à Khujir, j'ai même pu me mettre en jupe . J'ai juste eu un échantillon de froid sibérien entre mon arrivée à Irkoutsk et mon départ à vélo sur les flots gelés : on sent bien la différence.
Pour les givrés qui préparent un trek hivernal, je donne + de détails techniques dans la page "Basses températures". Là c'est juste pour vous distraire ou vous faire envie.
Alors en gros, même si je n'ai pas tout utilisé parce que les conditions étaient bonnes, j'avais pas trop mal fait mes bagages. Y a juste eu 2 "grosses" erreurs : je n'avais pas pris de petits crampons de marche (des mini-crampons légers qui peuvent se chausser sur n'importe quelles chaussures souples) ; s'il y avait eu du vent fort, je m'en serais mordu les moufles.
Et, étourderie stupide, j'avais dans mon pack ravitaillement une petite bouteille de savoureuse huile d'olive bio de la Drôme, qui est évidemment restée inutilisable du premier au dernier jour de trek.
Si vous emportez de l'huile d'olive, conditionnez-la en petite boîte avant, pour pouvoir en prélever à la cuillère ou au couteau !
J'ai privilégié le confort en bivouaquant sur la terre ferme, voire très ferme en cette saison. C'est la première fois de ma vie de campeur où j'ai eu du mal à planter mes clous en titane dans le sable fin d'une plage. Et... j'ai eu encore plus de mal à les en extraire le lendemain matin.
Le sable congelé des plages sibériennes est surprenant : selon qu'il était humide ou pas au moment du gel, sa consistance va de complètement meuble à dur comme du béton, à quelques centimètres d'écart aussi bien en surface qu'en profondeur.
Je me suis offert le luxe de faire de petits feux à 2 reprises, en profitant de petites branches de bois mort (il y a pas mal de mélèzes ou de cèdres sur les rives du Baïkal), des chutes de bûches taillées par de précédents randonneurs, ou autre combustible au parfum délicat.
En faisant tranquillement le tour de l'île d'Olkhon, je n'ai pas eu le temps de me lasser de la navigation à vélo sur les flots.
La glace prend des formes variées selon l'historique des gels/dégels, les chutes de neige et le vent, et les contraintes mécaniques entre plaques et failles.
Le plaisir suprême, c'est de rouler sur de grandes plaques lisses, avec ou sans inclusions de neige ou d'autres petites plaques moins translucides dessous, et... avec vent de dos. J'en ai eu, mais il m'a bien semblé que c'était pendant moins que la moitié du temps.
On peut aussi rouler facilement sur des plaques juste légèrement ondulées, c'est très joli ces petites vagues solides.
Et puis, bien sûr, il y a des zones nettement moins roulantes, mais si on se débrouille bien, on arrive à en réduire la proportion à un niveau tout-à-fait acceptable.
On rencontre généralement une zone de toross en partant du rivage, là où les vagues fracassaient les premières plaques de glace au début de l'hiver.
Mais là où les eaux n'étaient pas trop turbulentes, cela peut se réduire à un champ de tuiles blanches, plus ou moins cassantes ou lissées, où on arrive à slalomer si on a l'habitude des chemins un peu "techniques" à VTT.
Parfois, pas possible de passer à vélo, il faut longer la barrière jusqu'à ce qu'on trouve un point faible où les tas de toross ne sont pas trop hauts. Et là, finalement, ce n'est pas plus difficile qu'à pied parce qu'on peut pousser le vélo en l'utilisant comme point d'appui.
On apprend vite à progresser par petits pas, en avançant successivement un pied, le vélo, l'autre pied et ainsi de suite.
On trouve aussi des bandes de toross plus étroites au niveau des failles. En effet, l'eau se dilate en gelant. Les plaques de glace occupant plus de place que l'eau, le surplus est obligé de se caser où il peut, en morceaux plus ou moins épais selon les plaques.
Là, faut faire un peu gaffe, surtout si il y a eu un début de dégel de surface la veille. J'ai entière confiance dans les lois de la thermodynamique : la glace, même proche des failles, était encore assez épaisse et solide. Mais l'eau affleure à la surface libre au niveau des failles, et on court le risque de prendre un bain de pieds (mes super-bottes ne sont pas étanches), voire plus si on se vautre là où il ne faut pas, comme ça peut arriver dans les ruisseaux glaciaires en été. Sauf que là, faut pas compter sécher au soleil si on se mouille...
Donc j'ai fait bien attention : d'abord viser les passages plus étroits, ensuite y aller dou-ce-ment, en sondant les espaces plats entre toross avec la roue avant, ou au besoin, quand la faille est plus large, en jetant un pavé de glace pour voir si ça sonne creux ou pas avant d'y mettre les pieds. Et tout s'est bien passé, je n'ai pas eu besoin de mes chaussettes de rechange + surchaussettes étanches, rangées au sommet d'une sacoche au cas où j'aurais trempé le feutre de mes bottes.
En fait, on s'habitue assez vite à passer les failles sans stresser (mais toujours dou-ce-ment, hein) et du coup, à faire de petits détours, y compris à travers des failles, pour avoir le plaisir de rouler sur les plus belles plaques lisses.
D'ailleurs, j'ai vu un autre truc rigolo : les zones de raccordement entre plaques de début d'hiver forment parfois de petits canaux plus lisses que les plaques adjacentes : de véritables petites pistes cyclables permettent alors de passer entre 2 zones lisses.
Derniers détails qu'on apprend très vite : si on veut faire une petite pause, il faut viser les petites plaques de neige restantes. Parce que la glace, ça glisse vraiment. Attention, il y a parfois des pièges : de petites plaques d'une chute de neige plus ancienne recouverte de glace transparente. Amusant... Mais on finit par les reconnaître avant de déraper dessus en descendant du vélo. Dernier détail à surveiller : même dans les zones lisses, on rencontre des soudures entre anciennes plaques qui forment de petits rails. C'est comme les rails de tram en ville, faut les franchir à peu près à angle droit.
20 mars : voilà, je suis revenue à la civilisation, ses hébergements surchauffés à +24°C et ses connections GSM et wifi. Donc petit repos et début des mises à jour.
Ma première étape était courte : départ vers midi, vent de face, et j'étais encore intimidée par ce nouveau terrain de jeu. Je me suis arrêtée bien avant la nuit sur cette petite île de la "Petite mer", le golfe étroit entre Olkhon et le continent.
Grand bien m'a pris, car j'ai dû dénouer à mains nues les haubans de ma tente (détail oublié dans ma check-list avant départ...).
Ensuite comme il me restait un peu de temps libre avant la nuit, j'ai entrepris d'explorer mon île déserte. Déserte ? J'ai vu de grosses traces d'ours, non, non, je plaisante, de 4x4, qui montaient vers le sommet de mon île. Il m'a fallu 12 minutes pour atteindre ce sommet. Et là, que vois-je ?
Une stupa, très bien, c'est calme et exotique ; et... une cabane en bois.
Dans la cabane un petit banc, quelques mégots et une boîte de croquettes pour poissons. Visiblement un refuge fréquenté occasionnellement par des pêcheurs.
Mais la météo était plutôt clémente, alors j'ai eu la flemme de démonter ma tente et, surtout, de monter tout mon barda ici. J'ai donc bivouaqué tout près du lac.
Ca m'a permis d'entendre, quand le doux bruit du vent dans ma toile de tente se calmait, les bruits de la glace qui travaille.
Le son varie selon la taille des plaques de glace ou des toross, ça peut ressembler au bruit d'un verre qui se brise, ou des tuiles qui tombent, ou une bûche de bois qui se fend, ou même au grondement sourd d'un orage.
Comme il restait un petit peu trop de neige sur le lac pour rouler facilement à vélo à Listvyanka, j'ai rejoint Olkhon directement, sur 4 roues. Evguenyi, le chauffeur du taxi, aimait la poésie russe et les paysages de Sibérie : même quand on s'est trouvés dans un banc de brouillard, il s'extasiait sur les collines où quelques vaches dispersées grattaient la neige des clairières pour trouver un peu d'herbe surgelée.
Je n'ai pas compris tout de suite pourquoi Evguenyi me parlait d'adrénaline avec un air enthousiaste quand on a franchi, de nuit, le détroit des Portes d'Olkhon, puis j'ai réalisé qu'on avait plusieurs kilomètres à faire sur la glace, et que de temps en temps, le lac engloutit une voiture.
L'île est reliée au continent par bateau l'été, par route sur glace l'hiver, et par podushka entre temps (petits aéroglisseurs surnommés "coussins"). Et le matin, j'ai vu que le site le plus photographié de Sibérie était juste à 2 pas du village de Khujir. Je m'y suis amusée tout la journée.
Le week-end, les touristes russes viennent faire du patin, ou de la luge sur de gros pneus tractés par une voiture ou un quad. Moi j'ai joué à marcher sans crampons sur les toross, de belles plaques de glace transparente enchevêtrées. C'est très ludique.
Les plaques sont parfois soudées, parfois juste en équilibre, et le seul moyen de savoir c'est d'y mettre les pieds.
On avance comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Si on marche sur des plaques soudées, le pied glisse un peu et se cale dans un creux, et on continue, sinon on glisse plus et on tombe bruyamment. Le bruit ressemble à celui que feraient de grosses plaques de carrelage en tombant. C'est aussi le bruit que les plaques de glace font toutes seules quand elles se fracturent à cause des variations de température.
L'appareil photo a survécu à ma petite promenade sur les toross. J'ai donc aussi, comme tout le monde, photographié sous toutes leurs coutures le rocher du Shaman et les totems qui dominent la jolie petite crique du cap Burkhan.
C 'était quasiment désert toute la journée mais au coucher du soleil,
il devait y avoir au moins 2 ou 3 marshroutkas de Chinois et des 4x4 de Russes, tous visant le soleil couchant sur le rocher du Shaman.