17 mai 2020

Dernier col avec vue sous les aigles / Последний перевал с видом под орлами

Sortie du village de Basshiy

Aïnaz Kabysheva : "Қамажай"

J'ai un peu hésité à refaire une tentative d'approche des monts Aktau, mais cela m'aurait obligée à terminer ma boucle au pas de course. Tant pis, j'ai gardé l'habitude qui avait rendu mes précédents voyages si agréables et intéressants : se laisser porter par les imprévus, plutôt que de collectionner frénétiquement les sites touristiques.

3 des 6 aigles qui volaient dans mon champ visuel, dans le nord du parc national Altyn-Emel

Les aigles me l'ont bien rendu : à l'approche des hauteurs qu'on franchit par le col Altyn Emel, ils étaient nombreux par cette belle journée d'après orage.

Aigle survolant le secteur nord-ouest du parc Altyn-Emel, août 2019

La position semi-allongée sur un tricycle couché, et sa stabilité intrinsèque à basse vitesse, sont idéales pour admirer le ballet des aigles royaux : j'en ai eu jusqu'à 6 volant simultanément dans mon champ de vision. Bon, OK, le champ de vision est vaste dans la steppe kazakhe, mais quand même !

Les 3 autres des 6 aigles qui volaient dans mon champ visuel, dans le nord du parc Altyn-Emel.

C'est un beau spectacle, difficile à rendre en photo : le contraste entre la relative lenteur de leurs battements d'ailes, et la vitesse à laquelle ils volent ou changent de direction, est impressionnant. Pas étonnant que l'aigle soit si souvent présent sur les armoiries des empereurs...

Route du col Altyn Emel. Aire de repos pour voitures fatiguées

Au pied du col, une vieille voiture au look typique des Volga de la fin de l'URSS s'est arrêtée juste devant moi. Toute la famille est sortie pour me saluer cordialement et m'offrir un fruit et quelques biscuits. Comme je leur faisais part de mon étonnement amusé en comptant le nombre de passagers qui venaient de descendre de la voiture, le père m'a proposé avec un grand sourire d'emporter un des enfants sur mon porte-bagages, déclenchant l'hilarité de sa petite tribu.

Montée au col Altyn Emel

Le ruisseau qui, d'après ma carte, longeait la route, était à sec sur une partie du parcours, mais je n'ai pas manqué d'eau. Quelques fermes ou yourtes isolées vendaient du kumyz, fromage ou un repas sommaire à base de shashliks.

Cimetière dans la steppe peu avant Sary Özek

La vue de l'autre côté du col s'ouvrait progressivement sur une steppe vallonnée où je me suis posée pour un dernier bivouac, puis sur la plaine d'Almaty.

Descente sur Kapchagay

J'ai traversé Sary Özek, une petite ville flanquée de quelques usines en ruine, et j'ai fait une pause de 2 jours à Kapchagay, dans un hôtel un peu excentré qui ne payait pas de mine, mais bien confortable : j'avais un petit appartement climatisé dans un préfabriqué, avec sauna dans le bâtiment d'en face et un restaurant juste à côté. Mais ma gourmandise m'a poussée à aller tester un restaurant géorgien au centre ville.

Dans une rue tranquille près du bazar de Kapchagay

Kapchagay est une station avec des casinos à la réputation sulfureuse, quelques centres de vacances qui ont plus ou moins bien vieilli,

Kapchagay : résidences de standings divers et variés

une centrale hydroélectrique et une banlieue industrielle fatiguée.

Zone industrielle de Kapchagay

Les plages du lac de Kapchagay ne sont pas super attractives, j'ai finalement préféré me relaxer à l' Akvapark, avec ses aires de pique-nique, son café-restaurant en terrasse et ses bassins avec toboggans.

Dans l' Akvapark de Kapchagay

27 mar. 2020

Dunes chantantes sous la pluie / Поющие барханы под дождем

Flanc de dune sous mes pieds

Les "dunes chantantes" sont une des principales attractions du parc national Altyn Emel, une réserve naturelle quasi désertique qui s'étend sur près de 5000 km2 entre Zharkent et le lac de barrage de Kapchagay.

Arkaiym : "Батыр"

Le compte à rebours du temps restant avant mon départ du Kazakhstan m'a incitée à prendre un taxi de Zharkent jusqu'à l'entrée du parc. Un des chauffeurs qui attendaient devant le bazar central, avec une vieille Volkswagen déglinguée, mais munie d'une galerie de toit, m'a rapidement proposé un tarif raisonnable, à peine plus élevé que mon prix de départ.

Les taksists de Zharkent aident mon chauffeur à charger le tricycle

Avec 2 de ses collègues, ils ont hissé et sanglé mon tricycle sur le toit ; je lui ai réglé mes 15'000 KZT dès la première station-service pour qu'il puisse faire le plein (une pratique courante là-bas pour les longues distances). Il m' a déposée devant le bureau des guides du parc Altyn Emel à Basshiy (ex Kalinino) et m'a trouvé une maison d'hôtes pas encore signalée juste à côté, chez Zhanna.

Le long de la route entre Zharkent et Basshiy

Zhanna est une sympathique jeune baboushka qui travaillait auparavant à l'hôtel Altyn Emel, et a eu envie de proposer un hébergement plus chaleureux et de bon rapport qualité/prix. Son mari a réaménagé une annexe en construisant 4 chambres avec une petite salle de bains toute neuve, et les repas sont servis dans la salle à manger familiale.

Grâce à l'orage de la veille, le sable était à une température confortable

Je craignais de trouver une foule de touristes, mais en semaine c'est assez calme. J'ai eu de la chance : j'ai fait connaissance avec Andreas, un allemand parti d'Europe sac au dos 2 mois auparavant, qui venait d'arriver d'Almaty, et qui, lui non plus, n'avait rien réservé. On a décidé de partager une chambre chez Zhanna et un guide avec 4x4 pour 2 jours.

Parc national Altyn Emel. En route vers les dunes

Les gardiens du parc offrent couramment leurs services comme chauffeur-guide, pour un tarif d'environ 50 €/jour, entrée du parc et location du véhicule comprises, donc si on partage le véhicule ce n'est pas cher.

2 touristes autrichiens qui logeaient aussi chez Zhanna

J'avais envisagé de visiter en tricycle, mais l'état des pistes traversant une vaste zone peu intéressante, et les distances entre les sites photogéniques et les rares points d'eau dans le parc, m'en ont dissuadée. D'ailleurs, les gardiens ne m'auraient pas laissé partir seule en trike, sauf pour un aller-retour aux dunes, à cause du manque d'eau potable dans le reste du parc, et de restrictions sur les sites où le bivouac est autorisé.

Début de matinée et fin d'après-midi sont de bons moments pour flâner dans les dunes

Le guide nous a judicieusement proposé de commencer par aller voir les fameuses dunes chantantes au coucher du soleil, et de réserver une longue journée le lendemain pour visiter l'oasis de Kosbastau, et les monts Kakutau et Aktau.

La vue derrière moi en montant sur les dunes chantantes

La route entre Basshiy et les dunes commence par une longue traversée de steppe rapée et plate, sur une piste en tôle ondulée poussiéreuse que notre Lada 4x4 survolait à vive allure.

Kulans dans la steppe du parc Altyn Emel

On a aperçu en route des rapaces (dont des aigles royaux, mais pas que), quelques chameaux de Bactriane et un troupeau de kulans, une espèce protégée d'ânes sauvages.

Vue des dunes chantantes sur le parc Altyn Emel

Les "dunes chantantes" ne sont pas nombreuses, mais elles sont belles, et surtout, en y montant, on découvre des vues dont on ne se lasse pas : selon le côté où on regarde, on voit des montagnes aux roches oxydées et colorées dominant une plaine aride, des prairies vert pâle, une rivière (l'Ily), ou des montagnes enneigées (une des chaînes de l'Ala Tau). Ou un peu de tout ça à la fois : c'est beau.

Le fleuve Ily ; au fond, la chaîne Zailyskie Alatau

Par contre, les dunes étaient muettes : le vent soufflait bien, mais il ne les fait chanter que par temps parfaitement sec, et pas de chance, il y a eu un orage hier, et la météo pour demain n'est pas meilleure...

Et j'entends siffler le vent, mais aujourd'hui les dunes ne chantent pas

Le lendemain, c'est un autre gardien qui nous a emmenés en direction de Kosbastau et Kakutau. L'oasis était animé, un minibus de randonneurs russes avait déposé des campeurs entre les énormes saules de 700 ans, qui ont donné leur nom au parc Altyn Emel, et une mare d'eau douce.

Kostantau, l'oasis aux saules sept-centenaires

Sur le site de Kakutau et ses rochers rouge sombre aux formes tarabiscotées, les gros nuages gris ont commencé à nous arroser d'une pluie de moins en moins fine.

Rochers de Kakutau par temps très gris

Quelques dizaines de km plus loin, la pluie tombait en trombes. Les ornières de la piste et les moindres creux dans cette steppe habituellement aride étaient pleins d'eau, au point que le moteur du 4x4 commençait à se noyer.

L'eau projetée par les roues avant s'ajoute aux trombes d'eau de l'averse

Les toussotements du moteur et un torrent de boue barrant la piste à moins de 10 km du spectaculaire massif Aktau nous ont obligés à faire demi-tour, malgré la fin de l'averse. Dommage... Mais on était plutôt contents que le moteur accepte de redémarrer pour rentrer chez Zhanna, d'autant plus qu'on ne captait plus le réseau depuis une bonne vingtaine de km.

On ne peut vraiment pas aller plus loin...

L'après-midi, j'ai flâné dans le village à la recherche d'une petite bière que je n'ai pas trouvée (un petit groupe de touristes autrichiens avaient dévalisé le stock la veille au soir...), j'ai fait essayer mon tricycle à quelques gamins ravis, j'ai pu discuter avec Andreas en prenant le thé, et avec une famille russo-iranienne le soir autour d'un bon lagman. Le lendemain matin, chacun repartira de son côté.

23 janv. 2020

Steppe, ma ste-e-ppe / Степюшка степь

Steppe kazakhe rapée entre Kökpek et Charyn

Bon, je ne vais pas m'étendre trop longuement sur le sujet, mais à propos d'étendue, la steppe kazakhe, c'est quelque chose. Et pourtant je n'en ai parcouru qu'une infime portion.

Ansambl Piknik : "Полюшко поле"

Troupeau de chevaux dans la steppe près de Kegen

Il y a une certaine variété : l'herbe peut être plus ou moins verte ou sèche, rase ou plus haute, ou rase avec quelques touffes hautes, ou complètement râpée avec quelques petites touffes. La route, avec en moyenne un virage tous les 5 km, peut être un excellent macadam ou une piste poussiéreuse en tôle ondulée.

Steppe kazakhe entaillée par le début du canyon de la rivière Charyn

Le point commun, c'est la rareté ou l'absence des arbres et des habitations, à tel point que quand on aperçoit quelque chose à l'horizon, on sait qu'on va mettre au moins 1/2 h pour s'en approcher, sauf si c'est le nuage de poussière produit par un véhicule qui arrive en sens inverse.

Un arbre perdu dans la steppe !

Et entre temps, il n'y aura rien d'autre à voir, à part, éventuellement, un aigle de passage. On finit par se résigner. Mais si la route est mauvaise ou en faux-plat montant, à la vitesse d'un tricycle sans assistance électrique, on finit par trouver le temps long.

Steppe rapée et piste avec tôle ondulée entre Charyn et Chundzha

Il peut y avoir un petit vent frais ou il peut faire très chaud : mon thermomètre est monté jusqu'à 46,7°C au soleil dans la région entre Charyn et Zharkent. Je sais que les relevés météo donnent la température à l'ombre, mais à quoi bon quand la seule ombre présente sur plusieurs dizaines de km est la mienne ?

Pause-pomme par 46,7°C. La cordelette entre la gourde-thermos et le porte-bidon, c'est à cause de la tôle ondulée, sinon je perds ma gourde quand ça secoue trop... Je faisais régulièrement de petites pauses pour boire un peu ou manger une pomme. Le premier litre d'eau fraîche dans mes 2 petites gourdes-thermos ne durait pas longtemps ; ensuite je buvais l'eau chaude des vaches stockées sur le porte-bagage arrière (non, je n'ai pas transporté de bétail ni puisé mon eau dans les abreuvoirs ! Je parle de mes vaches à eau Ortlieb). Et les pommes, c'est bien : douillettement rangées parmi les vêtements dans les sacoches, elles se réchauffent moins vite que l'eau sur le porte-bagages.

Mais qu'il fasse chaud ou froid ne change pas le fait qu'à la longue, on finit par se dire que les avantages qu'il y a à voyager lentement, à vélo, ne servent pas à grand-chose dans la vaste steppe...

Altyn Emel. Piste entre Basshiy et les Dunes chantantes

Erbol Zhenisbek : "Самал тау"

Une participante kazakhe du prochain SunTrip Lyon - Canton en 2020 On a le choix entre méditer en pédalant, ou pédaler en méditant, et on peut en profiter pour recharger les batteries de l'appareil photo pendant qu'on vide celle du baladeur mp3.

Mais bon, c'est un peu dissuasif pour un éventuel futur SunTrip. Pourtant, ce truc est fantastique : les participants, qui ne sont pas tous de grands sportifs, parcourent près de 12000 km en moins de 100 jours, de la France à la Chine, sur des vélos à assistance électrique rechargés par panneaux solaires. Le recordman du Sun Trip en 2018 n'a mis que 46 jours pour faire Lyon-Canton, et cette même année, un autre participant a établi le record de distance en une journée (c'est-à-dire, pour le Sun Trip, du lever au coucher du soleil) : 427 km, dans la steppe kazakhe justement, avec soleil radieux et vent dans le dos ! Mais sur la distance, il y a quelques milliers de km de steppe inhabitée, et surtout, encore plus dur pour moi, dans les autres tronçons où il y a plein de distractions, il faut se dépêcher pour finir dans les temps...

1 nov. 2019

A la découverte du Ouïghouristan / Открывая Уйгурстан

Une longue journée de piste puis route m'a conduite de Charyn à Chundzha, la 2ème ville du district de Zharkent.

Zharkent. Enceinte de l'ancienne mosquée chinoise

Interprète non identifié : "Liwen yarlar" (chant uygur)

C'est une petite ville terne, peuplée majoritairement de Ouïghours (ou Uyghurs, ou Uygurs...). Le premier gars qui m'a abordée, intrigué par mon tricycle, m'a conseillé 2 adresses pour manger et dormir, et il avait l'air sympa. J'ai suivi ses conseils, et j'ai bien fait : j'ai mangé le meilleur lagman de mon périple (une spécialité à base de ragoût viande + légumes émincés, herbes, épices et nouilles fraîches).

Chundzha centre-ville...

A l'hôtel, j'ai bavardé avec une équipe de géologues-cartographes russo-kazakhs en mission. Ils venaient d'Ust-Kamenogorsk, à 1200 km au nord dans l'Altaï kazakh, et s'ennuyaient ferme le soir dans ce bled. Ils m'ont offert une bouteille de miel de chez eux, en échange de la promesse que si j'allais visiter l'Altaï, je leur rendrai visite en apportant un peu de fromage et de vin français. Ils ont été amusés quand je leur ai dit combien je payais le kilo de miel bio en France : leur cadeau prenait de la valeur !

Zharkent. Chauffeurs de taxi en attente de clients face à la sortie du bazar

Le lendemain, la pluie et la monotonie du paysage (cf prochain épisode) m'ont incitée à faire un tronçon en taxi, jusqu'à Zharkent. En proposant chaque fois un peu moins de tengue par km que la fois précédente, je m'approchais des prix non touristiques ; mais aucun chauffeur ne m'a jamais demandé des sommes exorbitantes par rapport à ce qui se pratique localement.

Loisirs actifs pour les jeunes de Zharkent : désherbage du parvis de la mosquée chinoise

A Zharkent, chef-lieu de la région uygur du Kazakhstan, j'ai commencé par visiter la mosquée chinoise. Je croyais que ce serait "très touristique", mais en fait peu de touristes viennent jusqu'ici, bien qu'on ne soit qu'à 300 km d'Almaty par la route directe.

Zharkent. Annexe de l'ancienne mosquée chinoise

Contrairement à ce que je croyais, ce n'est pas une mosquée dungane (une minorité musulmane chinoise), mais le résultat d'une lubie d'un potentat local, qui avait confié la construction de la mosquée à un architecte chinois. Le bâtiment principal est en bois peint, et les toits font plus penser à une pagode qu'à une mosquée.

Zharkent. Toit de l'ancienne mosquée chinoise

J'ai longuement flâné au bazar, encore un haut lieu du recyclage de containers ferroviaires (comme à Osh, Murghab, Khorog,...).

Zharkent. Une allée du bazar peu avant la fermeture

On trouve de tout, et en particulier énormément de vêtements ou d'accessoires made in China : Zharkent est à moins de 40 km de la frontière chinoise, et le poste-frontière de Khorgos est un point de transit international important pour le fret, sur les "Nouvelles routes de la Soie".

Zharkent. Etal de tissus au bazar central

La première famille uygur que j'avais rencontrée, dans le canyon de Charyn, m'avait spontanément tendu un smarphone avec des vues d'Ürümqi et de Kashgar sur fond de musique traditionnelle uygur, pour me donner envie de visiter leur pays. Enfin, pays, façon de parler, puisque l'Ouïghouristan n'a pas d'existence légale.

Zharkent. Une rue entre bazar et ancienne mosquée

La plupart des OuÏghours (environ 11 millions) vivent dans le Xinjiang, une province chinoise historiquement connue sous le nom de Turkestan oriental. Ils sont aussi majoritaires dans le sud-est du Kazakhstan, mais comme je vous ai peut-être déjà dit, le Kazakhstan est plein de vide, donc là, ils sont moins de 300 000.

Dans le bazar de Zharkent à l'heure de la fermeture

En résumé, les OuÏghours sont à l'origine un peuple altaïque qui a assimilé des tribus persanes, puis a été envahi par les Mongols, puis par les Chinois. De ces brassages, il reste un peuple linguistiquement et culturellement très proche des Ouzbeks (ça s'entend dans leur musique), mais devenus citoyens chinois de seconde zone. Et en me documentant à leur sujet pendant une petite averse à Zharkent, j'ai découvert que cette région d'Asie Centrale avait une histoire plus riche que je ne croyais : elle a aussi été habitée, dans l'Antiquité, par un peuple indo-européen disparu depuis, vraisemblablement venu de Sibérie, les Tokhariens.

Dans le bazar de Zharkent. Le gars avec la calotte ouzbek fait du change.

Les OuÏghours ne sont pas spécialement brimés au Kazakhstan, mais en Chine, si. Et pas de chance, le gouvernement kazakh préfère ménager son puissant homologue chinois plutôt que les Uygurs qui se risquent à passer la frontière pour demander le statut de réfugié politique chez leurs cousins turcophones.

Une boucherie dans une rue de Zharkent

Interprètes non identifiés : "Aldida" (chant uygur)

L'accueil chez les Uygurs kazakhs m'a un peu rappelé l'Ouzbékistan, et aussi, par certains côtés, le Kurdistan iranien. Les Uygurs sont bien centre-asiatiques, mais un peu moins russifiés, un peu plus souriants et avenants que les Kazakhs. Les Uygurs du Kazakhstan partagent avec les Kurdes d'Iran quelques lointaines racines culturelles (les Uygurs, turcophones, portent parfois un prénom persan, comme Azadi, Nargiz, Bakhtyar,...), et une situation géopolitique similaire. Et puis, à l'hôtel, il y avait une douchette dans les WC :-)

Passants uygurs dans le bazar de Zharkent

Bref, même si ces nuances seraient peut-être à peine perceptibles pour un voyageur non familier avec les cultures d'Asie centrale et d'Iran, j'ai apprécié mon petit détour en terre ouÏghoure, sans la pression de l'administration chinoise qui maintient sa "province autonome uygur" du Xinjiang sous surveillance étroite, un peu comme la Turquie le fait pour ses Kurdes, mais avec les redoutables moyens industriels de la Chine.

Zharkent. Automate des télécomm kazakhes avec son mignon petit rideau pare-soleil

Quand j'ai posé discrètement une question à propos du sort des uyghurs chinois à un chauffeur de taxi uygur entre Chundzha et Zharkent (il portait un prénom d'origine persane et la calotte noire avec broderies blanches qu'on voit couramment en Ouzbékistan), il n'a pas été très bavard. Il s'est contenté d'acquiescer quand j'ai demandé si la vie était plus difficile pour les Uygurs côté chinois. Sans doute savait-il que quand des Uygurs kazakhs passent la frontière pour commercer, leur passeport kazakh ne suffit pas à les mettre à l'abri du Big Brother chinois...

12 sept. 2019

Charyn - la route des châteaux / Чарын - долина замоков

Au pied du col Alasa, on peut bifurquer vers l'est sur un bout de route toute neuve qui se transforme en piste après une dizaine de km.

Gaukhartas : "Қазағым-ай"

Entrée du parc national du Canyon de Charyn. Mon ticket d'entrée est à 752 KZT, un peu moins de 2€

Elle mène à un des sites naturels classés du Kazakhstan : le parc national du canyon de Charyn. Contrairement à la steppe plutôt aride qui l'entoure de toutes parts, ce canyon n'est pas très étendu, mais il est très photogénique.

Soldat kazakh en tenue de camouflage. Il y avait des exercices de tirs à environ 20 km en amont

Après le poste de garde où on paie un ticket d'entrée, on tombe sur une enfilade de 2 ou 3 parkings avec vue sur le canyon ; des camping-car 4x4 de touristes y sont postés, ainsi qu'un marchand ambulant de boissons fraîches.

Nous étions au bord du gouffre, mais depuis, nous avons fait un grand pas en avant

Ensuite, à pied ou à vélo, on peut descendre jusqu'à la rivière Charyn, en passant par la "Vallée des châteaux".

Un des accès à la vallée des Châteaux

Le tronçon amont de la piste est VRAIMENT raide... Le tronçon raide en début de descente est impressionnant, surtout quand on pense qu'il va falloir le remonter, ou plutôt, qu'il va falloir remonter le tricycle et les sacoches au retour...

Mais assez vite, la pente s'adoucit et la piste serpente entre des blocs et des colonnes rocheuses sculptées par l'érosion. Magnifique avec l'éclairage de fin d'après-midi, et pas mal aussi en début de matinée.

Même sans filtre polarisant (perdu dans les Tian-Shan...), en fin d'après-midi c'est chouette !

C'est un vrai festival, et admirer tout ça en se laissant glisser sur une chaise longue, c'est magique !

Après le tronçon raide, ça devient très agréable de rouler vers l'aval de la vallée des châteaux

OK, la piste est un peu ensablée et il faudra pousser au retour, mais peu importe...

Canyon de Charyn vu d'en bas

Et tout en bas, on trouve des arbres, une aire aménagée avec quelques bungalows et yourtes de location, un café-restaurant, des emplacements pour quelques tentes, et même une mini-plage.

La mini-plage à 2 pas du camping, au fond du canyon de Charyn

C'est tellement chouette que j'y ai passé quasiment 2 jours, en compagnie de Géraldine et Erwan, et Aurélie-Anne et Daniel, respectivement cyclo- ou pédi-voyageurs belges et canadiens.

Ca fait du bien de se rafraîchir dans le lit de la rivière Charyn

Je me suis baignée dans l'eau claire et vivifiante de la rivière Charyn, et j'ai remonté mes grosses sacoches un jour, en profitant d'un tronçon desservi par une navette-taxi Lada Niva 4x4,

Canyon de Charyn. Navette-taxi Lada 4x4 et touristes dans la vallée des Chateaux

puis mon trike le lendemain, après une nuit tranquille dans un des petits bungalows. Tout remonter en une fois, ça aurait été rude...

En passant à pied, on peut plus facilement explorer les recoins de la vallée

J'ai récupéré mes sacoches à la cahute des gardiens, et en route pour Zharkent. En effet, après avoir bavardé avec 2 familles uygures rencontrées par hasard dans le canyon, j'ai décidé de changer d'itinéraire.

Bloc sculpté et bousculé par l'érosion. Combien de temps tiendra-t-il encore ???

Au lieu de revenir à Almaty par la petite route de montagne entre le lac Bartogay et le plateau d'Assy, un peu au nord de la frontière kyrgyze, je reviendrai en faisant une boucle par Chundzha, Zharkent, le parc national Altyn Emel et le lac de barrage de Kapchagay. Un peu à cause des prévisions météo (grosses averses prévues en montagne), et un peu pour découvrir ces Uygurs dont je ne connaissais pas grand chose.

Ekopark au fond du canyon de Charyn

21 août 2019

Jour de fête / Праздничный день

Dès mon retour au Kazakhstan, j'ai pu remarquer, comme à l'aller, quelques différences entre les 2 pays riverains.

Troupeau de chevaux dans la steppe entre Kegen et Karkara

Kerwan : "Қара жорға"

Steppe entre Kegen et la frontière kyrgyze

Ici, moins de touristes, herbe un peu moins verte, mais malgré cela niveau de vie plus élevé : moins de vieilles Lada et plus de voitures japonaises, plus de WC à l'occidentale et de mitigeurs dans les douches, agriculture plus mécanisée, troupeaux de chevaux plus gros, bankomats même dans de petites villes...

Cimetière d' Ak-Say dans la steppe kazakhe entre les cols Kegen et Alasa

Le fait que les touristes sont nettement plus dilués au Kazakhstan est plutôt agréable : les gens du coin m'abordent par curiosité plus que pour vendre un service ou un gîte ; on me demande souvent si mon tricycle a une assistance électrique, alors que les Kyrgyzes me demandaient d'abord combien ça coûte.

Départ du bivouac 3* au bord de la rivière Charyn

Des automobilistes m'ont même à 2 ou 3 reprises offert du ravitaillement en cours de route : fruits, biscuits, ou même une boîte de petits chocolats à la marmelad que j'ai préféré abandonner dans le frigo du gîte suivant, j'avoue...

Descente sur la rivière Charyn en amont du canyon

Et puis, j'abordais 2 étapes faciles, avec, enfin, nettement plus de descente que de montée.

Vue du col de Kegen, versant nord

Au sommet du premier col, un gars me fait signe et m'appelle : il me propose une pause-thé. Ça tombe bien, j'ai soif ; et puis, un thé en Asie centrale, ça ne se refuse pas. Et là, surprise, en guise de thé, c'est un repas complet qui m'attend : beshbarmak (spécialité à base de viande de mouton et de patates, dont le nom indique qu'on a le droit de manger avec les doigts), salade, beignets, fruits, thé, kumyz (le fameux lait de jument fermenté), vodka...

Repas de fête au col Kegen

J'ai invoqué le régime imposé par ma récente gastro pour limiter la quantité de choses à ingurgiter. J'ai échappé à la vodka, mais pas au gras de mouton : "avec du kumyz, ça passe tout seul" , m'a expliqué ma voisine de table en m'en resservant un verre... Bon, le mouton et le kumyz étaient tous deux bien frais, c'est passé.

Après le repas, on danse !

Après j'ai dû porter un toast (en russe), j'ai remercié cette grande famille pour son hospitalité. On m'avait expliqué, pendant que je dégustais mon beshbarmak, que ce repas faisait partie des préparatifs d'un mariage.

Le musicien du mariage kazakh était kyrgyze

La famille du futur marié, sans lui, allait chercher la future mariée dans sa famille à Kegen, pour la ramener à Almaty où le mariage serait célébré dans une dizaine de jours. Mes hôtes ont ensuite dansé un peu au son de l'accordéoniste-chanteur et on est repartis chacun dans notre direction.

Descente du col de Kegen. Au fond, la steppe entre les cols Alasa et Kegen.

J'ai ensuite eu un peu de mal dans la remontée du col Alasa, mais les 2 descentes de cols et le grand faux-plat descendant sur un tronçon de route toute neuve et lisse jusqu'au parc national du canyon de Charyn étaient super.

Steppe de plus en plus rapée, mais ici ça roule tout seul !

J'ai même parcouru avec plaisir un tronçon de steppe pelé où les aigles ne volaient près de moi que quand l'appareil photo était éteint au fond de sa sacoche.

Un aigle posé au bord de la route quelques mètres devant moi

15 août 2019

Un petit saut au Kyrgyzstan / Небольшой прыжок в Кыргызстан

Je savais avant de partir (et la charmante hôtesse au comptoir Turkish Airlines de Cointrin le savait aussi) que sans visa, je n'avais pas le droit de rester plus de 30 jours consécutifs au Kazakhstan, alors que je suis partie pour 33 jours.

Un entraînement de kök börü (ou boozkachi) à San Tash : but !

Kudaibergen ansambl : "Конил кұй"

J'avais décidé de faire un petit détour au Kyrgyzstan voisin pour réinitialiser mon compteur des 30 jours : on peut aussi entrer au Kyrgyzstan sans visa pour les séjours < 30 jours, la frontière n'est qu'à 30 km de Kegen, et le lac Yssyk Kul à 120 km, avec au passage un col à + de 2000, facile vu que Kegen est déjà à presque 1800m.

Abords du col de San-Tash. C'est plus vert qu'au Kazakhstan

A l'aller, j'ai passé la frontière en heure creuse, vite fait. Le plus long était d'attendre que les policiers kazakhs puis kyrgyzes essaient mon vélo à 3 roues en se photographiant les uns les autres (moi, j'avais pas le droit de prendre de photos). Au retour, y avait un peu de queue, à cause des Kazakhs qui rentrent de leur week-end au lac, mais le tricycle a été autorisé à dépasser les voitures donc je n'ai pas trop attendu.

Poste frontière de Karkara

Le reste du détour m'a pris un peu plus longtemps que prévu, à cause de quelques dizaines de kilomètres de pistes pas très roulantes (en passant, j'en profite pour rendre grâce à la suspension du trike AZUB Ti-Fly, elle amortit bien), et d'une petite tourista vraisemblablement causée par de la mayonez qui avait pris un coup de chaud. Mais cette semaine au Kyrgyzstan était bien agréable.

Etal de pastèque dans le bazar de Karakol

Les Kyrgyzes sont culturellement et linguistiquement très proches des Kazakhs, mais leur pays est tout petit, et on y trouve une multitude de paysages variés sur de courtes distances, contrairement au Kazakhstan où cette variété s'étale sur des milliers de kilomètres. Le Kyrgyzstan est donc, logiquement, devenu nettement plus touristique. Et comme il n'a, contrairement au Kazakhstan, pas d'énormes ressources minières et pétrolières, eh bien on y exploite les touristes, mais ça reste raisonnable pour un touriste de la zone euro.

Le bazar central de Karakol

Ainsi à Karakol, point de passage de hordes de touristes, j'ai créché pour 1500 sums (20€/nuit) chez Svetlana, qui tient un gîte propret et très confortable appelé Argo Dom : chambres impeccables avec douche à l'italienne, couette en duvet, p'tit-déj copieux et savoureux inclus, et seulement 500 sums le supplément banya (il y a bien moins cher, un peu moins de 10€/nuit dans les "hostels" avec WC et douche communs)

Aigles-volants synthétiques au-dessus d'une plage kyrgyze

Et puis, il suffit de sortir un peu des itinéraires touristiques classiques pour trouver des coins calmes ou fréquentés quasi exclusivement par des gens du coin.

Cimetière de Boz-Beshik. Au fond, chaîne des Terskey Ala Tau

J'ai ainsi pris un premier bain très tranquille sur la datchniy plyazh, la plage du coin des datchas à Mikaïlovka. Piotr, un retraité russe veuf depuis 2 ans, m'a tenu compagnie et m'a conseillé une autre petite plage à l'eau plus claire, un peu plus loin entre 2 vergers.

La plage des datchas â Mikhaïlovka

Ensuite, je suis tombée un peu par hasard, en suivant les indications de 2 villageois de Ak-Döbö, sur une plage très animée avec de nombreuses familles kyrgyzes en week-end.

Plage fortement fréquentée par les locaux le week-end, environ 35km à l'ouest de Karakol

J'ai assisté à une fête célébrant les premiers pas de la petite dernière d'Adilet. A cette occasion, on entrave symboliquement les pieds du bambin avec un double fil de laine noire et blanche,

La petite dernière d'Adilet dont on fête les premiers pas, et à sa gauche, le gros lot de la journée : un mouton

et au moment de couper ce fil à la patte, les invités et autres passants participent à une course dont le bambin est la ligne d'arrivée, et dotée de divers lots, selon la catégorie de coureurs :

La course, catégorie Dames, avec des plats et divers ustensiles de cuisine à gagner

petits garçons, petites filles, hommes, et femmes.

La course pour le mouton à l'occasion de la fête des premiers pas de la fille d'Adilet

Le gros lot, pour l'homme le plus rapide, était rien moins qu'un mouton encore vivant, destiné à devenir assez rapidement kurdak, beshbarmak et autres shashliks.

Le gagnant de la course repart avec le gros lot : un délicieux mouton

Dès la fin de cette festivité, mon tricycle est naturellement devenu la principale attraction de la plage.

Et c'est parti pour une longue séance d'essais de tricycle et/ou de photos sur la chaise longue à pédales

J'avais pas le temps de souffler. Fallait que je donne quelques consignes : non, on ne tire pas le velosiped par les gaines de frein, on ne le pousse pas par les garde-boue, on ne monte pas à plus de 2 à la fois sur le siège, et le porte-bagages est réservé aux enfants de moins de 30 kilos, etc. Parfois on me demandait d'arbitrer sur qui ferait le tour suivant.

Trop petit pour atteindre les pédales ? Ce n'est pas un problème !

Elim, un brave gamin désireux lui aussi de piloter l'engin, est même venu timidement me demander si c'était gratuit. Ca faisait plaisir de voir sa mine réjouie au guidon de ma chaise longue à pédales. Par contre, les yourtes sur la plage n'étaient pas du tout gratuites, et si j'avais discuté le tarif avant d'y passer la nuit, je crois bien que j'aurais plutôt planté ma tente...

Yourte payante au prix d'un hôtel chic

Pour me remettre de cette trépidante journée, je suis allée me reposer au pansionat Marko Polo, une quinzaine de km plus à l'ouest.

Plage privée du pansionat Marko Polo, près de Boz-Beshik

Là, ce n'est pas le même public. Ma chambre avec balcon au pansionat Marko Polo. Admirez particulièrement la découpe de la moquette au niveau du seuil du balcon. En gros, c'est une résidence de luxe ex-soviétique rénovée, avec un parc verdoyant et une plage privée équipée de chaises longues sans pédales mais avec parasols, et avec un banya au bout d'un ponton en bois, pour pouvoir sauter directement du sauna dans le lac.

J'y ai passé 3 jours pour profiter du lac, et pour digérer la mayonnaise daubée du premier repas en pension complète...

Plage du pansionat Marko Polo vue depuis le quai du banya

Après cet intermède balnéaire, j'ai pris le chemin du retour, partiellement en taxi pour ne pas repasser trop de temps sur la tôle ondulée entre Sary-Tölögöy et Karkara. Bye bye Kyrgyzstan. Oydon, mon chauffeur de Karakol à Karkyra Le chauffeur Oydon était intéressant, ancien apparatchik communiste, cultivé, plein d'entrain et d'humour, et plutôt content de pouvoir causer à un touriste occidental qui parlait russe. Quand je lui ai expliqué que j'avais un vélo aussi spécial à cause d'un accident qui m'avait laissé quelques séquelles évaluées à 10% d'invalidité, il m'a répondu qu'il mériterait lui aussi 10% d'invalidité vu qu'il avait 10 ans de plus que moi... Et il a continué à chanter.

Steppe dans la région frontalière Kazakhstan / Kyrgyzstan. Elevage de chevaux, vaches, moutons, et abeilles

3 août 2019

Intermodalité dans les Tian Shan / Интермодальность в горах Тянь-Шань

Les montagnes, c'est tau en kazakh ou en kyrgyz, et shan en chinois ; mais ici comme au Kyrgyzstan, le massif des Tian Shan porte ce nom chinois qui signifie montagnes célestes.

Camp de base Mramornaya stena. Pic Bayanköl (ou un de ses voisins)

Kerwan : "Örüldük biz her yana"

Un des buts de mon voyage est de voir la face nord du Khan Tengri, un des 5 "7000" de l'ex URSS, et point culminant du Kazakhstan. Elle est difficile d'accès depuis le Kazakhstan : pour aller au camp de base nord, il faut soit franchir un col glaciaire bien raide à + de 5000m (exclus avec mon épaule+poignet estropiés), soit passer par le Kyrgyzstan en hélico pour remonter la vallée de la branche nord du glacier Enylchek, dont l'accès est barré par le lac glaciaire Merzbacher. Je ne pourrai donc pas voir la face nord d'aussi près que la face sud en 2013, lors d'un très beau trek sur le glacier Enylchek sud au Kyrgyzstan. Je m'en contenterai.

Route de Narynköl. En face, la Chine.

Je vais d'abord devoir remonter la vallée de Bayanköl, en direction du point triple Kazakhstan / Chine / Kyrgyzstan. Pour cela, un permis zone frontière est évidemment requis. J'ai fait appel à une petite agence d'Almaty, dénichée via le forum Caravanistan : elle m'a proposé de me joindre à un petit groupe qui avait justement prévu d'aller au Kitaïski pereval (en russe, le col chinois, 3980m) et au pic Astana (4550m), depuis le camp de base Mramornaya stena, appelation due à la belle paroi de marbre en face nord du pic portant ce nom (mur vers 5700m, sommet 6200m).

Un arrêt d'autobus typique dans la steppe kazakhe

Première partie du trajet : en trike jusqu'à Kegen, par le col du même nom. Deux cols, à environ 1400m puis 1900m, permettent de passer de la steppe à 700m à une steppe à 1700m, un peu moins sèche et moins chaude.

Steppe près de Kegen On franchit en passant un creux qu'il faut immédiatement remonter : l'extrémité amont du canyon de Charyn, au fond duquel on trouve quelques super coins de bivouac ****.

J'ai dû partager mon coin avec Zoïa et Petya, un sympathique couple de retraités russes d'Almaty, mais c'était super tranquille. Zoïa et Petya, qui m'ont invitée pour un généreux apéro, n'ont pas eu de chance : contrairement à leur précédent bivouac ici, ils n'ont pas attrapé de truite, et surtout leur matelas pneumatique fuyait...

Bivouac **** dans le canyon de la rivière Charyn

Juste avant le bivouac suivant, 350m sous le col Kegen, j'ai croisé un minibus de randonneurs kazakhs qui revenaient enthousiastes de Bayanköl. Ils m'ont offert une bonne rasade de kumyz (lait de jument fermenté) et j'ai eu droit à une N-ième séance de photos avec le tricycle.

Petite pause au col Kegen. Je vais boire un thé pendant que Sharbat et ses amis essaient le trike

A Kegen, je m'attendais à trouver l'unique petit hôtel presque vide, mais non : c'est une étape pratique pour les voyageurs qui font une traversée ou une boucle entre Kazakhstan et Kyrgyzstan (dont plusieurs cyclistes en partance ou en provenance de la route du Pamir). J'ai donc dû faire un peu la queue à l'unique douche, mais bon, c'était propre et l'eau chaude était bien chaude ; presque trop , vu que le mitigeur à la russe passait de glacé à brûlant en une petite fraction de quart de tour..

Ma chambre à l'hôtel Kegen. La patronne a tenu à rentrer le trike dans le hall d'entrée

Le lendemain, mon guide Anna et sa petite équipe, partis le matin même d'Almaty, passent me prendre. J'ai donc fait le trajet Kegen - Bayanköl - Zharkulak dans un gros 4×4 Toyota que Sergey conduisait à vive allure sur une route ondulée puis carrément défoncée, en écoutant des chants cosaques en version hard-rock. Impossible de viser pour prendre des photos en route, ça secouait trop.

Ойся ты ойся, ты меня не бойся (chant cosaque, version rok-metal)

Narynköl. Steppe au pied des Tian Shan.

On a dû s'arrêter plus de 1 h en route pour des formalités liées aux permis zone frontière, à Narynköl puis au poste de contrôle de Bayanköl.

Poste de contrôle de la zone frontière de Bayanköl

La zone frontière est délimitée par des dizaines (ou probablement des centaines...) de kilomètres de clôture barbelée, et admirez le soin du détail : on peut y voir quelques épouvantails en uniforme de garde-frontière disséminés dans les champs ou sur des miradors, en plus des vraies patrouilles.

Vallée de Bayanköl en amont du poste de contrôle des pogranitchniki

Au détour d'un virage sur la piste, la voiture d'Anna stoppe : il est là !

On le verra mieux au téléobjectif : au fond, le Khan Tengri, face nord.

Pause photo, le Khan Tengri (7010m) dépasse tout le reste à l'horizon. On ne le reverra plus ensuite...

Zoom sur le Khan Tengri. Il n'est visible que depuis un très court tronçon de la vallée de Bayanköl

Au bout de la piste à Zharkulak, Serdzhan nous attend avec 2 chevaux. Ce sont ces braves bêtes qui vont porter nos sacs à dos, et les 2 sacs isothermes de viande que la guide devait livrer pour ravitailler le camp de base.

Bout de la piste et début du chemin à Zharkulak

Et nous, on part à pied. Aydar portait un petit sac à dos complet de matériel photo-vidéo Il ne faudra pas longtemps pour que la guide Anna remarque que je suis plus lente que le reste du groupe. Le contraire aurait été étonnant : Anna, Dilia et Laura sont 3 triathlètes qui courent aussi le marathon, et le photographe Aydar est un trapu tout en muscles. Et comme on démarre tard, pour éviter de devoir monter un grand tronçon de nuit, la solution s'impose : les sportifs marcheront vite, et moi je vais rejoindre les sacs sur le second cheval.

Montée au camp de base, vue de mon cheval

J'étais moyennement rassurée par cette proposition, vu que je n'ai jamais fait de cheval, mais j'ai rapidement constaté que c'était sans risque. Déjà, chargés comme ils étaient, les chevaux n'avaient aucune envie de faire des embardées ; et en plus ils étaient encordés, c'est donc Serdzhan et le premier cheval qui conduisaient.

Vue sur Serdzhan et le cheval de tête, et premier aperçu de Mramornaya Stena

Du coup, j'ai trouvé la montée bien agréable, surtout le tronçon oû le chemin serpente entre de petits buissons épineux : les plantes m'arrivaient à peine au mollet. Il fallait juste que je sois attentive pour ne pas perdre l'équilibre quand le cheval franchissait des marches, ou s'encoublait dans la corde reliant les 2 chevaux. Mais on s'y fait vite. Et presque sans effort, je suis arrivée 1/2 h avant les triathlètes marathoniens, qui, comme prévu, ont fini à la frontale.

Arrivée au camp de base Mramornaya stena

Le lendemain et le surlendemain, par contre, j'ai marché.

Mramornaya stena, le mur de marbre vu de son.camp de base

Les 2 guides Anna et Dima (on a rejoint un autre groupe de la même agence) avaient prévu une rando d'échauffement au Kitaïski pereval. On s'est arrětés au pied de l'éboulis terminal, à environ 100m de la frontière chinoise.

Arrivée sous le Kitaïski pereval, 3900m

Quand j'ai suggéré que ce serait chouette d'aller se promener en Chine sans visa, un des Russes du groupe m'a répondu ironiquement "Oui, oui, tu peux, mais seulement une fois"...

Arrivée et pause sous le Kitaïski pereval

Et le surlendemain, après de longues palabres, redescente, car les prévisions météo étaient pourries pour les 5 prochains jours : L'edelweiss n'est pas une espèce rare dans les Tian Shan pluie (on a déja eu une grosse averse le 2ème soir) puis neige y compris au camp de base...

Enfin, même s'il avait fait beau, je crois bien que je ne serais pas arrivée au sommet du Pik Astana (anciennement Krugozor) : 3 demi-journées de marche sur moraine avec bâtons + petit sac à dos ont commencé à réveiller les douleurs épaule droite + poignet gauche qui m'ont tellement enquiquinée pendant les mois qui ont suivi mon accident de mars 2017...

Après la redescente à pied, retour à Kegen entassés à 5 dans le moins gros 4x4 Nissan d'Anna, avec des bagages plein le coffre et sous, entre et sur nos jambes (on rapatriait des tentes du camp de base en plus des 5 sacs à dos, et le gros 4x4 de Sergey n'était plus là).

28 juil. 2019

Au pays des aigles / В странe беркутов

Je vous donnerai un aperçu d'Almaty quand j'y reviendrai, après ma virée dans la steppe et la montagne.

Juan, cyclo-voyageur argentin dans la pampa kazakhe

Asylbek Ensepov : "Великая степь "

J'ai consacré mes 2 premières journés à la récup de sommeil + décalage horaire et aux préparatifs : remontage du trike sous les regards intrigués et amusés d'Aydar (un biznesman de Karaganda en voyage d'affaires) et de la réceptionniste Yelena, dépose du sac à dos que je retrouverai avec mon guide à Kegen, premier contact avec la gastronomie locale dans un restau kazakho-russo-coréen (émincé de cheval au wok, pas mal du tout), et enfin relaxation au banya de l'hôtel.

Avant l'effort, le réconfort. Sauna de l' hôtel Resident à Almaty

Pour mon départ, l'autre réceptionniste Venera m'a judicieusement conseillé d'aller à l' avtovokzal Sayakhat plutôt que d'appeler un taxi. Ce n'est pas la principale gare routière d'Almaty mais je n'ai eu aucune peine à trouver un taxi à grand coffre pour un prix correct (le tarif varie de 20 à 30 € les 100 km, selon le véhicule, le chauffeur, et les chances qu'il trouve des passagers pour le trajet retour). En chemin il a fait le plein de GPL (70 KZT soit moins de 20 centimes le litre...) et une pause au dernier bazar avant la steppe.

Parking dans la steppe kazakhe. Pont pour vidanger le moteur et WC sans eau.

Premières impressions de cycliste sur la route : le Kazakhstan, c'est grand ! Ce qui apparaissait comme une simple vallée sur ma carte du pays est une large steppe avec quelques montagnes à l'horizon de part et d'autre.

Steppe au sud-est d' Almaty. Les montagnes visibles à l'horizon appartiennent aux diverses chaînes des Ala Tau.

Pendant ma première demi-journée de pédalage, aucun risque de surmenage des poignets : en moyenne un virage tous les 5 km.

Vue de ma chaise longue

Par contre, avec mon enclume à 3 roues et son chargement, je sens vite que la steppe du sud-est du Kazakhstan n'est pas parfaitement plate : les faux-plats successifs font efficacement baisser ma vitesse moyenne.

Steppe kazakhe, variante faux-plat montant avec vent de face. Au fond, le premier village sur la route depuis 50 km.

Un des 2 aigles qui survolaient mon bivouac *** en amont du canyon de Charyn J'ai donc tout mon temps pour admirer le vol des aigles, en position semi-allongée sur le trike c'est confortable. J'en ai vu un qui s'entraînait ou s'amusait à enchaîner les phases finales de piqué, pattes et griffes tendues en avant puis remontée immédiate : impressionnant mais difficile à photographier ! L'autre aigle qui survolait mon bivouac *** en amont du canyon de Charyn

Petite remarque pour les russophones : les aigles que j'ai vus étaient presque tous des aigles royaux, dont le nom russe berkut est d'origine kazakh.

Au prochain épisode, j'arrive dans les montagnes (le blog est déjà en retard sur moi, je profite de mes vacances!). Et je complèterai en photos plus tard : en voici quelques-unes.

Zoom sur les aigles 1 à 3 de l'escadron de 6. Parc national Altyn-Emel