Intermodalité dans les Tian Shan / Интермодальность в горах Тянь-Шань
Par Moi le 3 août 2019, 17h26 - Kazakhstan - Lien permanent
Les montagnes, c'est tau en kazakh ou en kyrgyz, et shan en chinois ; mais ici comme au Kyrgyzstan, le massif des Tian Shan porte ce nom chinois qui signifie montagnes célestes.
Un des buts de mon voyage est de voir la face nord du Khan Tengri, un des 5 "7000" de l'ex URSS, et point culminant du Kazakhstan. Elle est difficile d'accès depuis le Kazakhstan : pour aller au camp de base nord, il faut soit franchir un col glaciaire bien raide à + de 5000m (exclus avec mon épaule+poignet estropiés), soit passer par le Kyrgyzstan en hélico pour remonter la vallée de la branche nord du glacier Enylchek, dont l'accès est barré par le lac glaciaire Merzbacher. Je ne pourrai donc pas voir la face nord d'aussi près que la face sud en 2013, lors d'un très beau trek sur le glacier Enylchek sud au Kyrgyzstan. Je m'en contenterai.
Je vais d'abord devoir remonter la vallée de Bayanköl, en direction du point triple Kazakhstan / Chine / Kyrgyzstan. Pour cela, un permis zone frontière est évidemment requis. J'ai fait appel à une petite agence d'Almaty, dénichée via le forum Caravanistan : elle m'a proposé de me joindre à un petit groupe qui avait justement prévu d'aller au Kitaïski pereval (en russe, le col chinois, 3980m) et au pic Astana (4550m), depuis le camp de base Mramornaya stena, appelation due à la belle paroi de marbre en face nord du pic portant ce nom (mur vers 5700m, sommet 6200m).
Première partie du trajet : en trike jusqu'à Kegen, par le col du même nom. Deux cols, à environ 1400m puis 1900m, permettent de passer de la steppe à 700m à une steppe à 1700m, un peu moins sèche et moins chaude.
On franchit en passant un creux qu'il faut immédiatement remonter : l'extrémité amont du canyon de Charyn, au fond duquel on trouve quelques super coins de bivouac ****.
J'ai dû partager mon coin avec Zoïa et Petya, un sympathique couple de retraités russes d'Almaty, mais c'était super tranquille. Zoïa et Petya, qui m'ont invitée pour un généreux apéro, n'ont pas eu de chance : contrairement à leur précédent bivouac ici, ils n'ont pas attrapé de truite, et surtout leur matelas pneumatique fuyait...
Juste avant le bivouac suivant, 350m sous le col Kegen, j'ai croisé un minibus de randonneurs kazakhs qui revenaient enthousiastes de Bayanköl. Ils m'ont offert une bonne rasade de kumyz (lait de jument fermenté) et j'ai eu droit à une N-ième séance de photos avec le tricycle.
A Kegen, je m'attendais à trouver l'unique petit hôtel presque vide, mais non : c'est une étape pratique pour les voyageurs qui font une traversée ou une boucle entre Kazakhstan et Kyrgyzstan (dont plusieurs cyclistes en partance ou en provenance de la route du Pamir). J'ai donc dû faire un peu la queue à l'unique douche, mais bon, c'était propre et l'eau chaude était bien chaude ; presque trop , vu que le mitigeur à la russe passait de glacé à brûlant en une petite fraction de quart de tour..
Le lendemain, mon guide Anna et sa petite équipe, partis le matin même d'Almaty, passent me prendre. J'ai donc fait le trajet Kegen - Bayanköl - Zharkulak dans un gros 4×4 Toyota que Sergey conduisait à vive allure sur une route ondulée puis carrément défoncée, en écoutant des chants cosaques en version hard-rock. Impossible de viser pour prendre des photos en route, ça secouait trop.
On a dû s'arrêter plus de 1 h en route pour des formalités liées aux permis zone frontière, à Narynköl puis au poste de contrôle de Bayanköl.
La zone frontière est délimitée par des dizaines (ou probablement des centaines...) de kilomètres de clôture barbelée, et admirez le soin du détail : on peut y voir quelques épouvantails en uniforme de garde-frontière disséminés dans les champs ou sur des miradors, en plus des vraies patrouilles.
Au détour d'un virage sur la piste, la voiture d'Anna stoppe : il est là !
Pause photo, le Khan Tengri (7010m) dépasse tout le reste à l'horizon. On ne le reverra plus ensuite...
Au bout de la piste à Zharkulak, Serdzhan nous attend avec 2 chevaux. Ce sont ces braves bêtes qui vont porter nos sacs à dos, et les 2 sacs isothermes de viande que la guide devait livrer pour ravitailler le camp de base.
Et nous, on part à pied. Il ne faudra pas longtemps pour que la guide Anna remarque que je suis plus lente que le reste du groupe. Le contraire aurait été étonnant : Anna, Dilia et Laura sont 3 triathlètes qui courent aussi le marathon, et le photographe Aydar est un trapu tout en muscles. Et comme on démarre tard, pour éviter de devoir monter un grand tronçon de nuit, la solution s'impose : les sportifs marcheront vite, et moi je vais rejoindre les sacs sur le second cheval.
J'étais moyennement rassurée par cette proposition, vu que je n'ai jamais fait de cheval, mais j'ai rapidement constaté que c'était sans risque. Déjà, chargés comme ils étaient, les chevaux n'avaient aucune envie de faire des embardées ; et en plus ils étaient encordés, c'est donc Serdzhan et le premier cheval qui conduisaient.
Du coup, j'ai trouvé la montée bien agréable, surtout le tronçon oû le chemin serpente entre de petits buissons épineux : les plantes m'arrivaient à peine au mollet. Il fallait juste que je sois attentive pour ne pas perdre l'équilibre quand le cheval franchissait des marches, ou s'encoublait dans la corde reliant les 2 chevaux. Mais on s'y fait vite. Et presque sans effort, je suis arrivée 1/2 h avant les triathlètes marathoniens, qui, comme prévu, ont fini à la frontale.
Le lendemain et le surlendemain, par contre, j'ai marché.
Les 2 guides Anna et Dima (on a rejoint un autre groupe de la même agence) avaient prévu une rando d'échauffement au Kitaïski pereval. On s'est arrětés au pied de l'éboulis terminal, à environ 100m de la frontière chinoise.
Quand j'ai suggéré que ce serait chouette d'aller se promener en Chine sans visa, un des Russes du groupe m'a répondu ironiquement "Oui, oui, tu peux, mais seulement une fois"...
Et le surlendemain, après de longues palabres, redescente, car les prévisions météo étaient pourries pour les 5 prochains jours : pluie (on a déja eu une grosse averse le 2ème soir) puis neige y compris au camp de base...
Enfin, même s'il avait fait beau, je crois bien que je ne serais pas arrivée au sommet du Pik Astana (anciennement Krugozor) : 3 demi-journées de marche sur moraine avec bâtons + petit sac à dos ont commencé à réveiller les douleurs épaule droite + poignet gauche qui m'ont tellement enquiquinée pendant les mois qui ont suivi mon accident de mars 2017...
Après la redescente à pied, retour à Kegen entassés à 5 dans le moins gros 4x4 Nissan d'Anna, avec des bagages plein le coffre et sous, entre et sur nos jambes (on rapatriait des tentes du camp de base en plus des 5 sacs à dos, et le gros 4x4 de Sergey n'était plus là).