17 juin 2018

Aleksandr et le dzhondzholi / Владикавказ 4

Magomed Dzybov : "Прощай Кавказ"

La mosquée de Vladikavkaz, construite entre 1900 et 1908.

Lors de notre dernier passage à Vladikavkaz, on a brièvement visité la grande mosquée en chantier de rénovation, une église arménienne près de la voie de tram,

Eglise orthodoxe dont j'ai oublié le nom, sur les hauteurs de Vladikavkaz

une église orthodoxe perchée au-dessus de ruelles tranquilles, 2 boutiques de souvenirs qui se courent après.

Vous l'avez reconnu entre les 2 grands sapins (en fait des épicéas) ? Eh oui, c'est Lénine. Et, comme à chaque passage dans la ville, on a dîné dans notre restaurant préféré, la tchaïkhana Lookoom, et son agréable terrasse le long de Prospekt Mira, la grande (et unique) rue piétonne où passe le tram. On n'a pas goûté toute la carte, mais on en a exploré une bonne partie, et ma foi c'était bien bon.

Vladikavkaz, prospekt Mira. Au fond, la montagne Gora Stolovaya.

Un des serveurs, Aleksandr, a tenu à s'occuper de nous encore une fois, pour pratiquer un peu son anglais. On pouvait se débrouiller en russe avec ses collègues, mais il y a tellement peu de touristes étrangers anglophones qu'Aleksandr voulait s'entraîner avec nous.

Deux vieux ossètes trinquant à la vodka sur un banc le long du Terek, près de la mosquée de Vladikavkaz

Dzhondzholi mariné La seule colle qu'on lui a posée, c'était de nous trouver le nom de la plante marinée qui accompagnait notre кучмачи (koutchmatchi), une délicieuse recette géorgienne avec, entre autres ingrédients identifiés, foie de volaille, oignon, ail, grenade et coriandre frais. On n'en saura pas plus que son nom local, le джонджоли (dzhondzholi) : les Russes lui ont conservé son nom géorgien. C'est une plante sauvage du Caucase dont le goût ressemble un peu au câpre. J'avais vu les Kurdes ramasser une plante apparemment similaire dans les montagnes du nord-ouest de l'Iran.

Deux jeunes femmes ossètes sur un banc le long du Terek, près de la mosquée de Vladikavkaz

Quand on a expliqué à Aleksandr que ce serait notre dernier repas ici car nos vacances se terminaient, il nous a répondu que c'était aussi sa dernière soirée ici : Aleksandr est un jeune étudiant en job d'été, il va commencer ses études en informatique.

Vladikavkaz. Voiture-café au centre-ville

Le lendemain, après avoir profité une dernière fois du copieux buffet petit-déj de l'hôtel Kadgaron, on n'a eu qu'à porter nos bagages sur la place de la gare toute proche pour trouver un taxi partagé entre les minibus pour Beslan, localité de l'aéroport de Vladikavkaz et d'une sanglante prise d'otages dans une école pendant la guerre de Tchétchénie, en 2004.

Vladikavkaz, capitale d'Ossétie du Nord - Alanie. Un balcon dans un quartier qui fut un jour cossu, juil. 2017

Un conducteur attendait justement 2 derniers passagers pour partir en direction de Tbilissi. Il a sanglé mon chariot-pulka sur sa galerie de toit, et en route. Le passage de frontière Russie / Géorgie a été bien plus rapide au retour.

Le taxi fait une pause entre Verkhniy Lars et Kazbegi. Face au parking, des colonnes de basalte.

13 juin 2018

Svetlana et les champs de cumin / Светлана и поля тмина

Notre bref N+1ème passage à Vladikavkaz s'est terminé à l'Avtovokzal N°2, la vieille gare routière, avec un hall en état de décrépitude avancé. C'est de là que partent, entre autres, les marshrutkas pour la Tchétchénie et le Daghestan.

Alan Tsarikaev : "Девчонка осетинка"

Kharisdzhin. La première maison de l'autre côté du Fiagdon est la datcha de Svetlana Dans notre marshrutka pour Verkhnyi Fiagdon, la passagère assise derrière nous engage la conversation. Apprenant qu'on envisageait de dormir dans notre tente alors qu'on allait arriver de nuit, elle nous invite à loger chez elle ( quelle excellente idée ! :-) ). On a donc passé la nuit chez Svetlana, dans le hameau de Kharisdzhin.

Svetlana est une modeste retraitée. Elle passe l'été ici, à la datcha, et le printemps et l'automne à Vladikavkaz. Elle trouve l'hiver rude, et préfère alors séjourner chez sa fille en Angleterre. Elle a fait construire une annexe type Algeco à côté de sa petite maison pour accueillir sa famille russo-britannique quand ils lui rendent visite. Svetlana sur la terrasse de notre Algeco d'hôte Comme ils ne sont pas là en ce moment, nous logeons confortablement à leur place.

Au petit-déj, copieux, nous bavardons longuement avec Svetlana. Elle craint que les litiges territoriaux ou communautaires rallument un jour ou l'autre des conflits armés entre l'Ossétie et l'Ingouchie. Elle critique la mode des jeans troués aux genoux, non pas parce que ça ferait désordre, mais parce qu'elle trouve idiot d'augmenter le risque d'avoir des rhumatismes plus tard. Elle nous fait visiter son jardin et ses ruches, et nous offre une poignée d'abricots pour la route. Enfin, au moment où on repart en la remerciant pour son hospitalité, elle nous remercie tout simplement... de ne pas avoir eu peur de venir dans le Caucase.

Un ancien hameau abandonné dans le vallon du Fiagdon

La randonnée dans la haute vallée du Fiagdon était chouette.

Notre super-bivouac pris dans le brouillard...

On a trouvé un bivouac *** entre 2 postes de garde-frontière, tellement confortable qu'on y a passé 2 nuits.

On s'est levées plus tôt que la brume

Cueillette de cumin sauvage Que demander de plus : de la paille sous la tente, un ruisseau à 2 pas, un hangar avec une table et 2 bancs pour pique-niquer à l'abri de la pluie, et... du cumin à foison ! On n'avait qu'à se pencher pour en cueillir. On a savouré une salade tomate-concombre au cumin, une soupe au cumin, des nouilles au cumin, du pain-fromage au cumin, et même du cumin au cumin en marchant le long du chemin. Ca faisait passer le goût de l'eau minérale locale, prélevée à la source, pétillante et délicatement sulfurée...

Le même petit hameau abandonné, par beau temps au retour

C'est justement vers cette source qu'on est allées se promener, en longeant le Fiagdon puis le Bugultadon,

Bugultadon. Un torrent emprunte la piste, ou vice versa

à travers des alpages partiellement abandonnés où paissent des troupeaux de chevaux en liberté.

Vue de notre bivouac par beau temps.

10 mai 2018

Camping *** à Tsey / Альплагер Цей

Alplager de Tsey Notre permis zone-frontière incomplet ne nous permettait pas d'aller randonner en amont de Stur-Digora dans le parc national d'Alanie.

On a demandé à notre hôtel comment aller à Tsey. La réceptionniste nous a rapidement trouvé un taxi à un prix correct. Notre chauffeur Zalim nous a proposé en route d'arranger un week-end chez des amis à Stur-Digora en fin de séjour, et nous a déposées à l' alplager de Tsey.

Oleg Taysaev & Gos-Ansambl Severnoy Osetii : "Иры зар"

Parking de l'alplager de Tsey. SUV (soviet union vehicle) décoratif et SUV moderne, août 2017

On est arrivées à l'heure du dîner. Les touristes étrangers sont tellement rares à Tsey que le personnel nous a offert l'apéro et est venu trinquer avec nous. La cuisine était simple mais bonne. Ensuite, on a planté la tente de nuit sous un abri de jardin en bâche plastique : vu ce qui tombait, c'était bien pratique.

Le lendemain matin, petit promenade dans le vallon du glacier Skazdon. La station de ski de Tsey, dans le vallon du Skazdon La montée sur le fil de l'arête de la moraine était chouette, mais ensuite le brouillard nous a efficacement dissuadées d'aller voir plus loin. Non, ce n'est pas un canon à neige. La frontière avec la Géorgie et l'Ossétie du sud n'est qu'à environ 7 km.

A la redescente, surprise : les 2 télésièges de la station de ski ne sont pas abandonnés. On croise quelques touristes russes qui font l'aller-retour jusqu'au glacier. Pour terminer cette journée un peu terne, enchaînement banya + petite mousse + apéro + repas -> excellente nuit.

Tseyadon juste en amont de l'alplager de Tsey.

Le lendemain, magnifique éclaircie. On visite un sanctuaire païen un peu perdu dans la forêt, Sanctuaire abandonné dans la forêt près de Tsey et on remonte le vallon glaciaire du Tseyadon, d'abord par un sentier écologique qui nous instruit sur la géologie, le climat et la flore du secteur, puis sur de gros amas de blocs charriés par une précédente crue.

Vue sur le glacier Tseyskiy depuis le point où le sentier a été détruit par les torrents en crue

Comme dans la vallée du Tcherek, on remarque que les glaciers du Caucase donnent naissance à des torrents qui deviennent rapidement imposants.

Tseyadon. 6 km en aval du glacier, le courant est déjà fort

Lors du retour suivant à Vladikavkaz, on repasse par Mizur, un bled sinistré depuis qu'une partie des mines ont fermé, encaissé dans les gorges de l'Ardon (pour eux qui connaissent la vallée de la Romanche, c'est plus moche que Rioupéroux, Livet et Gavet réunis).

21 janv. 2018

Rando avec vue sur le toit de l'Europe / Прогулка с видом на крышу Европы

En chemin au-dessus de Terskol

De Terskol, sans permis, on ne peut monter que du côté nord de la rivière Baksan. Le chemin pour l'observatoire du pic Terskol partait de juste derrière notre gîte.

Margarita Suvorova : "Эльбрус" (chant karatchaïevo-balkar)

Juste en amont du village, un garde fait payer 300 roubles (moins de 5 €) un ticket d'entrée valide dans les parcs nationaux du secteur. Ensuite, si on monte tôt le matin, c'est tranquille, et la vue est superbe.

En montant dans la forêt de pins du Caucase

On monte d'abord dans une forêt de pins qui sentent aussi bon que là où on s'est fait refouler, puis le chemin passe le long de petites barres de colonnes basaltiques.

Colonnes basaltiques sur les flancs de l'Elbrouz

Et enfin, en amont d'une belle cascade nommée "Dievitchy kosy" (tresses de jeune fille), on commence à avoir une belle vue sur l'Elbrouz, ou Mingi-Tau en karatchaïevo-balkar.

Les 2 sommets de l'Elbrouz vus du pic Terskol

Si vous avez bien suivi les épisodes précédents, vous ne pouvez plus ignorer que c'est le plus haut sommet d'Europe, et même plutôt 2 fois qu'une avec ses 5642 m (sommet ouest) et 5416 m (sommet est).

Dans le dernier tronçon sous l'Observatoire Terskol, on peut couper droit dans la pente, même sans bâtons et avec un bras quasi-invalide (enfin, sans le chariot-pulka, faut quand même pas exagérer) : les blocs volcaniques soudés à chaud depuis quelques millénaires sont bien stables, et cette roche dure et rugueuse accroche très bien sous les semelles Vibram.

Pause pique-nique sur un divan-balcon de roches volcaniques

Du pic Terskol (3127m), on voit bien les sommets frontaliers en face, dont l'Ushba qu'on aurait bien aimé voir de plus près.

Vue du pic Terskol. Au fond, on aperçoit l'Ushba

Les bâtiments autour de l'Observatoire ont l'air à moitié abandonnés, mais il est encore en service.

Le dôme de l'Observatoire Terskol (3127m)

En redescendant l'après-midi, on a croisé des cohortes de touristes lève-tard. Souvent ils ne montent que jusqu'à la cascade pour prendre une douche rafraîchissante.

La cascade 'Dievitchi kosy' en heure de pointe

Et comme ce sont très majoritairement des randonneurs russes, ils se promènent avec leur sidoushka aux fesses,

La sidoushka est un accessoire très populaire chez les randonneurs russes

ou parfois sanglée sur ou sous leur sac.

Sidoushka portée sur ou sous le sac à dos

Randonneurs-alpinistes russes assis sur leur sidoushka Pour mémoire, si vous aviez raté l'épisode au sujet des sidoushki de ma petite promenade en Sibérie : une sidoushka sert de coussin pour s'assoir confortablement sur n'importe quel sol en cours de route.

C'est un accessoire très populaire chez les randonneurs russes, et ça fait partie des trucs que j'ai adoptés au cours de mes voyages.

Sidoushka Dekatlon made in Russia Ce qui est fabuleux, c'est que Décathlon, qui a ouvert un magasin dans une dizaine de villes de Russie, s'est mis à commercialiser des sidoushki Dekatlon, alors que cet article est introuvable chez Décathlon en France. Pour info, la sidoushka Dekatlon de luxe aluminisée est à 189 roubles (à peine 3 €), et la version de base moitié moins chère.

Avis aux amateurs : à mon avis, c'est une affaire qui pourrait marcher très bien à Grenoble !

29 déc. 2017

Quatrième rencontre avec les pogranitchniki / Четвёртая встреча с пограничниками

Va falloir que je me bouge ou que je fasse un résumé plus court, sinon je risque de ne pas avoir terminé le blog des vacances 2017 avant les vacances 2018 !

Aydamir Mugu & Aslan Tlebzu : "Седовласый Кавказ"

Vallée du Tcherek Bezengskyi

Mais soyez indulgents pour la lenteur des mises à jour : les séquelles de mon accident de mars dernier me gênent encore pour écrire, j'ai récemment chopé une tendinite au coude droit en cherchant à ménager mon épaule droite...

Bref, après ces belles journées à Bezengi, on est redescendues en marshrutka jusqu'à Naltchik, avec une correspondance marshrutka - bain de pieds - marshrutka dans un lacet où la piste était coupée par une coulée de boue.

Retour Bezengi - Naltchik : bain de pieds dans la boue entre 2 marshrutkas

Notre deuxième conducteur a gentiment fait un arrêt au gué suivant pour qu'on se lave les pieds à l'eau claire.

Ushba (4710m), face sud vue de Géorgie De là on a enchaîné directement pour Verkhniy Baksan parce que le conducteur, après avoir déposé tout le groupe dans un lieu inconnu à Naltchik, nous a proposé un tarif honnête pour aller jusqu'à notre destination suivante. De Verkhniy Baksan, on peut remonter l'Adyrsuu jusqu'à un autre confortable alplager , et passer un col pour rejoindre la vallée de l'Adylsuu d'où on devrait avoir une belle vue sur l'Ushba, l'équivalent du Cervin dans le Caucase.

On attend le funiculaire au débouché des gorges de l'Adyrsuu La remontée de la vallée commence par un funiculaire rustique, qui doit débiter au maximum 4 à 6 voitures par heure en période de pointe. La piste continue ensuite dans une forêt de pins qui sent super bon. Et là, juste avant un petit pont qui re-franchit la gorge de l'Adyrsuu, on rencontre un point de contrôle des permis zone-frontière.

On n'ira pas plus loin : le garde-frontière (pogranitchnik en russe) nous apprend que notre permis n'est pas valide dans ce district. :-( Zut, zut, zut, on ne pourra pas aller bivouaquer dans une clairière qui sent si bon le pin, ni admirer la face nord de l'Ushba...

L'agence de Vladikavkaz nous a remis nos permis sans même vérifier qu'ils correspondaient à ce qu'on avait demandé. Et comme il faut près de 2 mois au FSB pour valider une nouvelle demande, inutile d'espérer obtenir un nouveau permis en 1 semaine.

Cabane de garde-frontière entre l'alplager et le glacier de Bezengi

C'est ridicule de retoquer de simples touristes randonneurs ou alpinistes dans des coins où la frontière est aussi difficile d'accès, mais inutile d'insister : les pogranitchniki ont ordre de ne laisser passer que les permis en règle, et ils sont suffisamment équipés et armés pour être dissuasifs. Et comme on a vu au-dessus de Bezengi, des pogranitchniki, il peut y en avoir d'autres en amont, jusque sur les glaciers... Donc demi-tour.

Funiculaire dans les gorges de l'Adyrsuu Une alpiniste venue de Lettonie, qui nous a aidées à redescendre mon chariot-pulka par les escaliers longeant le funiculaire, nous a dit qu'elle avait aussi eu ce genre de surprise dans un district voisin, et là, elle attendait que son guide arrive avec son permis pour l'Adyrsuu.

Demi-tour, on redescend... Le funiculaire des gorges de l'Adyrsuu, avec mon chariot sur les épaules d'une alpiniste lettone Sur le petit tronçon de route entre le funiculaire et la route principale, un gars qui a un gîte dans le village de Verkhniy Baksan attend les randonneurs fatigués et fait le taxi. Il nous propose un tarif presque honnête pour Terskol. Quand je lui fais remarquer que pour le kilométrage, c'est plus cher qu'à Vladikavkaz, il répond en souriant : "Oui, mais ici, il y a l'Elbrouz"...

En route, entre Verkhniy Baksan et Elbrouz, le chef-lieu du district suivant, on traverse un village appelé Neutrino : notre chauffeur nous explique qu'il y a un observatoire souterrain, et je suis toute fière de lui apprendre que j'ai des collègues qui travaillent dans un observatoire similaire dans les Alpes, au tunnel du Fréjus. Après l'effort le réconfort : bière locale Altitude

Bref, 1/2 h et 400 roubles plus tard, nous arrivons à Terskol où les hôtels sont plus pleins qu'à Vladikavkaz (oui, c'est vrai, il y a l'Elbrouz...). Mais on trouve un gîte sympa tout propre et pas cher, où on se pose avant d'aller se consoler dans un restau. Et pour accompagner un bon repas, on nous propose la bière locale, la "5642" que les gens du coin appellent simplement "altitude". Vous devinez ? C'est l'altitude de l'Elbrouz.

Elbrouz  (5642m) vu du pic Terskol

26 nov. 2017

Vacances à l' alplager / Отдых в альплагере

Alplager de Bezengi. Au fond, la pyramide du Gestola (4860 m)

Entre mes petites randos, je me suis reposée à l' alplager

Alplager de Bezengi vu depuis le sentier qui remonte le vallon du Mizhirgi

et j'en ai profité pour observer la vie quotidienne de ses habitants temporaires, presque tous russes, à part quelques alpinistes biélorusses, polonais, tchèques, ukrainiens ou kazakhs.

Alplager de Bezengi : le terrain de camping avec vue sur les parois de l'école d'escalade

Ansambl Kartcha : "Боз алаша" (chant karatchaeïvo-balkar)

Chemin entre le glacier Bezengi et l'alpager

L' alplager de Bezengi est géré par des Balkars. Ils font venir chaque matin un tracteur qui monte du ravitaillement de Bezengi-village et descend des poubelles, et une marshrutka de Naltchik.

Alplager de Bezengi : pause-pastèque

Quand je suis passée le voir la veille de notre départ pour réserver 2 places dans le minibus et payer notre séjour, le directeur a commencé par me dire qu'en tant que visiteurs français, on n'avait pas à payer notre séjour. Je lui ai répondu en souriant que si les alpinistes russes payent, moi aussi je peux payer : il m'a donné le tarif et j'ai payé. Comme quoi la pratique du taarof n'est pas exclusivement persane. Ceci dit, il nous a fait payer la place de bus plus cher qu'aux alpinistes russes, mais on ne s'en est aperçues qu'à Naltchik, quand le conducteur nous a donné son tarif pour enchaîner jusqu'à Verkhniy Baksan...

Vallon du Mizhirgi en amont de l'alplager de Bezengi : vestiges de station météo dans un alpage exposée aux chutes de bloc

Les habitants de l' alplager ont le choix entre des chambres dans un des bâtiments du camp, ou le terrain de camping. En arrivant le premier soir, on se demandait si c'était bien raisonnable de camper parmi ces tentes entassées, mais en fait, aucun problème : c'est calme. La majorité des campeurs se lèvent tôt pour aller grimper ou randonner : ça permet de profiter de belles journées avant les fréquentes averses de fin d'après-midi.

Alplager de Bezengi : un cours sur les nœuds

Pendant la journée, ceux qui ne sont pas encore partis, ou déjà revenus d'une course se livrent à diverses occupations : douche et lessive, leçons sur les nœuds et les manœuvres de corde, cours de secourisme avec travaux pratiques, école d'escalade,... On a même aperçu un soir une course d'orientation nocturne : telles des lucioles, des frontales couraient le long des chemins du secteur.

Lors d'une de nos pause au café, le plus grand bâtiment de l'alplager, une russe est venue discuter avec nous dans son meilleur français — meilleur que mon russe. Elle nous a confirmé qu'en Russie, les alpinistes suivent une formation assez exigeante. On avait déjà remarqué que les alpinistes russes sont entraînés à porter des gros sacs bien lourds ; ils doivent aussi être capables de ramener un blessé au camp de base.

Alpager de Bezengi : TP de secourisme

Bar de l'alplager Bezengi. Révision des nœuds. Enfin, on a profité du café-restaurant du camp : l'équipe balkar prépare chaque jour des osetinskie pirogi au fromage frais et aux herbes, des salades tomate-concombre, des shashliks, des soupes, du riz pilaf... Il arrive même, avec un peu de chance, que les bières soient fraîches !

31 oct. 2017

Au pied du mur / К стене

Avant l' alplager de Bezengi et le mur de Bezengi, on passe au village de Bezengi.

Village de Bezengi.  Fin d'après-midi souvent pluvieux

Au terminus, sur la petite place du village, on s'est réfugiées pendant une petite averse dans un des 2 magazin-kafe. On a commandé un thé, et la gérante nous l'a servi dans l'arrière-boutique.

Taulan Batchaev, Daud Zhanataev, Tengiz Gabaev, Zuhra Kabardokova, Fatima Bajchorova & Kamilya : "Минги-тау" (chant traditionnel karatchaïevo-balkar)

Vallée du Tcherek Bezengskiy

Elle nous a expliqué qu'il y avait pas mal d'exode rural dans le coin, les Balkars ne sont plus très nombreux. Et d'après elle, les diverses langues turcophones de l'ouest de la Russie sont relativement proches : un Balkar peut à peu près comprendre ce qu'un Azéri, un Kumyk ou un Tatar lui dit.

Le chariot-pulka remonte vallée du Tcherek Bezengskiy. Premier aperçu du mur de Bezengi

En tous cas, à l'oreille, le balkar sonne en effet assez "turc", avec entre autres particularités des séries de voyelles qui déteignent sur leurs voisines (mots en taratata ou en türlütütü, car en turc on ne mélange pas les voyelles ouvertes ou fermées dans un même mot). Et vous avez sans doute remarqué en écoutant les paroles des chants, la langue est moins riche en consonnes que chez les voisins kabardino-tcherkesses...

Tcherek Bezengskiy à moins de 5 km en aval de sa source : déjà costaud !

Après un bivouac tranquille en sortie de village, le lendemain on est montées à pied jusqu'à l' alplager de Bezengi. Cette petite route non asphaltée le long du Tcherek est tranquille (ce serait super à vélo, mais bon, même à pied c'est agréable) . La vallée est belle.

Nuages du soir sur le vallon du Mizhirgi

Le site de l' alplager est lui aussi superbe. On y est restées 3 jours, pour aller admirer le fameux mur de Bezengi

Un des nombreux cairns (турик en russe) sur le chemin du glacier Bezengi

et ses à-côté, depuis les moraines du glacier Mizhirgi

Moraine du glacier Mizhirgi au-dessus de l'alplager de Bezengi

Cailloux sur la moraine du glacier Mizhirgi

et du glacier Bezengi,

Mur de Bezengi vu depuis le pied du glacier. Pour le Shkhara (5201m), prendre au fond à gauche

encadrées par des flancs de vallée abrupts et parfois instables.

Terrain friable sur les flancs de la moraine du glacier Bezengi

J'ai vu 2 fois un petit groupe de bouquetins du Caucase, mais ils courent vite, je n'ai eu en photo que le petit dernier :

Petit dernier d'une famille de bouquetins du Caucase. Ils sont descendus dans le talus en faisant dégringoler les cailloux

Bezengi est une destination prisée par les alpinistes russes

Alpinistes russes dans un champ de cailloux

Alpinistes russes en chemin pour le camp 1 du Koshtan-tau ou du Dykh-tau

il y a une belle collection de "5000" à proximité (Dykh-tau, Shkhara, Koshtan-tau, Dzhangy-tau, pic Pushkin et Mizhirgi-tau).

Le long du glacier Mizhirgi, juste avant mon demi-tour (le passage suivant à flanc de moraine n'est pas facile sans les bras)

Malgré ça, les quelques sentiers partant du camp sont assez tranquilles.

Bezengi : vallon, glacier, source du Tcherek, et mur

Le plus étonnant, c'est qu'il y a encore un poste de contrôle (en plus de celui sur la route à la sortie du village de Bezengi, où notre permis zone-frontière kabardino-balkare a été contrôlé une première fois) et des garde-frontière russes jusque sur ces glaciers ! Le Nord Caucase est difficile à franchir, et reste une barrière stratégique sur laquelle la Russie veille de près.

22 oct. 2017

De l'Ossétie du Nord - Alanie à la Kabardino-Balkarie / Из РСО-Алания в КБР

Un des buts du voyage était de voir la face nord du mur de Bezengi, une belle muraille culminant à 5200m, dont on avait pu admirer le versant sud géorgien en Svanétie en 2011.

Versant sud du mur de Bezengi : le Mont Skhara vu d'Ushguli.

Magomed Dzybov : "Кобэщычым Яхьанэхъожъ" (chant tcherkess)

Bezengi est en Kabardino-Balkarie. De Vladikavkaz, capitale d'Ossétie du Nord - Alanie, à Naltchik, capitale de la république de Kabardino-Balkarie, il n'y a que 2 trains par jour avec changement à Eaux Minérales (sérieux, la ville s'appelle Минеральные Воды), et pas à des heures très pratiques pour nous. On a pris une marshrutka.

Gare routière nord de Vladikavkaz. Interdit de prendre des photos dans ce hall

A la gare routière Naltchik-1, une passagère de notre minibus nous a expliqué que pour continuer sur Bezengi, il fallait aller à la gare routière 2, celle du Zelyoniy rynok (le marché des fruits & légumes), et elle nous a appelé un taxi moins cher que ceux qui maraudent dans la gare routière. A Naltchik-2 on a fait quelques emplettes au marché et pris un rafraîchissement à la cafèt de l' avtovokzal. On est maintenant en pays musulman : lave-main à l'entrée de la salle et plats hallal au self-service. Mais la proportion de jeunes femmes encapuchonnées m'a semblé plus faible qu'en France.

Gare routière Zelyoniy rynok, Naltchik-2

Lorsque le bus Naltchik - Bezengi a fait une petite halte vers Kashkhatau, on nous a expliqué qu'on était maintenant en terre balkare. C'est vrai qu'en montant, les noms des villages commençaient à être moins exotiques : ça rappelait du déjà vu en Asie Centrale, avec par exemple des noms de rivières ou de villages riverains en ...-su (su ou suu = eau en turc, tatar, kazakh, kyrgyz...).

Gorges du Tcherek Khulamskiy entre Babugent et Karasu

Alim Gazaev : "Марьям" (chant balkar)

Petite pause culturelle : les Kabardes font partie de la grande tribu des Tcherkesses, ils parlent une langue de la famille "Caucase nord-ouest" (langues abkhazo-adyguéennes) riche d'une soixantaine de consonnes. Ils habitent majoritairement dans la plaine au pied du Caucase. Un peu plus au sud, dans la montagne, on trouve des Balkars et des Karatchaïs, qui parlent une langue de la famille du turc.

Il aurait pu paraître logique de créer une micro-république kabardino-tcherkesse et une micro-république karatchaïevo-balkare. Mais suivant un précepte connu depuis la nuit des temps, Staline a appliqué une autre logique consistant à diviser pour régner. C'est pourquoi les habitants turcophones sont minoritaires aussi bien en Karatchaïevo-Tcherkessie qu'en Kabardino-Balkarie.

Petit marché près de la gare routière nord de Vladikavkaz. Couvre-chefs caucasiens, août 2017

8 oct. 2017

Bienvenue à Ordzhonikidze / Владикавказ 2

De retour à Vladikavkaz, on n'a eu aucune peine pour retrouver à se loger : le bus de touristes russes allait au Kadgaron, l'hôtel où on s'était posées en arrivant la semaine dernière.

Vladikavkaz. Un livreur de kvas passe devant l'hôtel Kadgaron

La réceptionniste a fait un peu la tête parce qu'on avait perdu un de nos coupons d'enregistrement, mais nous a finalement ré-enregistrées, puis le lendemain matin, nous a suggéré d'aller voir un petit atelier près du marché central, rue Ramonova.

Cet atelier était minuscule. Il y avait bien un peu de quincaillerie, une perceuse sur pied et une machine pour copier des clés, mais le technicien a rapidement conclu qu'il ne pourrait rien faire pour nos morceaux de chariot. Par contre, à OZATE, peut-être on trouverait la solution. Il nous a montré l'emplacement sur notre plan de ville, et nous voilà reparties, en tram. Faudra que je vous fasse un petit topo sur le réseau de tram de Vladikavkaz, une prochaine fois.

Bientôt les élections au parlement d'Ossétie du Nord : une star locale soutient le parti communiste.

Chœur et orchestre du Bolshoï teatr : version russe d'un chant plus populaire ici que dans son pays d'origine, la France.

Quand le tram 5 ou 9 nous a déposées à destination, on était un peu perplexes. A côté du magasin AIST velosiped, il y avait une grande bâtisse datant de l'époque soviétique, avec une enseigne ОЗАТЭ gravée dans le béton, mais fermée.

On est rentrées dans le magasin de vélos, et le jeune qui était là nous a fait passer dans l'arrière boutique, puis dans l'arrière-cour, pour entrer dans une annexe dont ne ne sait pas très bien si elle faisait partie de la boutique ou de l'usine.

Atelier AIST & OZATE : le coin vélo, Macron aux infos, et Staline au-dessus de la mêlée...

Cet atelier était un sympathique capharnaüm, on ne s'est pas ennuyées pendant les 2 heures de l'intervention. On pouvait regarder les infos à la télé, mais ce n'était pas le plus intéressant.

Atelier AIST & OZATE, le coin Kalashnikov

On a pu lire une affiche bien illustrée expliquant comment démonter, nettoyer et remonter son AK74, un fleuron de l'industrie soviétique plus connu chez nous sous le nom de la marque, Kalashnikov.

On pouvait aussi admirer diverses décorations : une arbalète, un sabre, une hache, une baïonnette, des médailles d'anciens combattants ou des fanions de clubs de trial, et un portrait d'un Caucasien mondialement connu, Iossip Vissarionovith Djougachvili. Il y avait aussi un portrait de Vladimir Illitch Oulianov, mais moins visible dans le hall d'entrée.

Atelier de tournage de l'usine OZATE à Vladikavkaz

L'usine est en voie d'abandon, mais il reste quelques machines-outils, et une grande carte murale de l'URSS, toute jaunie par le temps.

Remontage du chariot-pulka réparé : mécanos et vélocipédistes de tous pays, entraidez-vous ! Le technicien le plus expérimenté de la maison a pris le chariot en main. Comme il n'avait pas de raccords de la bonne dimension, ni de poste pour souder l'alu, il est allé dans un atelier bien plus grand pour tourner et fraiser 2 raccords sur mesure en tube d'acier. Il a ensuite poncé minutieusement pour que tout s'emboîte bien, taraudé et vissé les raccords, et voilà.

Il avait visiblement une bonne formation de mécanicien, mais pas de commercial : j'ai insisté un peu pour payer, mais il a répondu qu'il était normal d'aider les voyageurs.

Pour fêter la réussite de notre mécano, on a bu un pot à sa santé à la Pivnaya SSSR sur Prospekt Mira : za mir !

Stéphane Grappelli : premier hymne de l'URSS, interprété en style jazz manouche

Dans cette petite brasserie typiquement russe, on commande de petites assiettes de poisson séché pour accompagner la bière, et on peut la siroter en regardant des comédies des années 60-70, ou en feuilletant des magazines ou des bouquins rangés sur une étagère : j'ai aperçu un Code du travail soviétique, par exemple.

Pivnaya CCCP. Portrait de Staline au-dessus de l'écran de télé

Ah, au fait, vous l'avez peut-être reconnu dans la pénombre au-dessus de la télé : c'est encore un portrait de l'Homme d'acier soviétique.

J'aime Vladikavkaz, en ossète Je n'ai pas vu s'il y avait aussi dans un autre coin un portrait de ses copains également originaires du Caucase, Mikoyan, Beria et Ordzhonikidze.

Vladikavkaz a porté le nom d'Ordzhonikidze pendant une soixantaine d'années, du temps de l'URSS, à part un intermède d'une dizaine d'années où la ville a porté un nom ossète, Dzadzhykhau.

3 oct. 2017

Dargavs, petite ville des morts / Даргавс, мёртвых городок

Dargavs est un site peu étendu et peu connu à l'étranger, mais qui mérite le détour.

Nécropole de Dargavs. Toits avec vue sur le Gizeldon

Yusup Dzhenaev & Evelina Eyupova (2 couplets en ossète) puis Timur Ramazanov & Alsu Seytova (2 couplets en karatchaïevo-balkar) : "Цы сусæг кæнон - Ярат синем"

C'est dans une belle vallée ouverte. Par beau temps on peut voir le Kazbek (5033m) ; et sur un promontoire dominant le village, et baignant dans une belle lumière l'après-midi, on trouve ce que les gens du coin appellent мёртвых городок (ça se prononce myortvikh gorodok), littéralement la petite ville des morts. On aime bien les diminutifs en Russie : vous connaissez sans doute la petite eau russe, la vodka.

Village de Dargavs et haute vallée du Gizeldon

A l'accueil du site, avant même qu'on achète nos tickets d'entrée, on nous a offert un thé et un savoureux osetinskiy pirog, une espèce de tourte farcie avec viande hachée, oignon, chou et épices. Il existe d'autres variantes, en particulier au fromage frais et fines herbes.

Nécropole de Dargavs vue de l'entrée du site

Et ensuite, on a passé l'après-midi à slalomer entre les... euh, je ne sais pas comment ça s'appelle, ces petites maisonnettes qui me font un peu penser à des morilles, avec un toit similaire à celui des tours ingouches, c'est-à-dire avec des couches d'ardoises alternant avec les pierres des murs.

Dargavs. Des toits ardoise+pierre vus de dessous.

Selon l'époque de construction (14 ± 2 zième siècle) ou les goûts du constructeur, ce toit peut être à 2 ou 4 pans, droit ou légèrement bombé, plus ou moins raide. Toutes ces maisonnettes sont des tombeaux : dans plusieurs d'entre elles on peut voir des squelettes par l'unique ouverture, une fenêtre carrée ou voutée.

Nécropole de Dargavs vue de la sortie du site Après avoir déambulé en long, en large et en travers dans la nécropole, on a visité le petit musée ethnographique, et on s'est raccrochées à un groupe de touristes russes de Moscou et Kazan. Il restait quelques places dans leur bus, leur guide nous a proposé de rentrer à Vladikavkaz avec eux.

Ce petit bus a pris l'étroite piste vertigineuse qui serpente à flanc de falaise, à proximité de la conduite forcée qui alimente la centrale électrique Gizeldonskaya. Là, on a compris pourquoi les marshroutkas Dargavs - Vladikavkaz font habituellement le détour par Verkhnyi Fiagdon plutôt que de passer par les gorges du Gizeldon...

Nécropole de Dargavs

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