3 sept. 2017

Villages et villageois ingouches / Ингушские села и жители

Après Beyni, nous avons marché jusqu'en amont de Lyazhgi, en passant par une redescente dans la vallée faute de carte assez détaillée. Il n'y avait que quelques kilomètres à vol d'oiseau entre Beyni et les tours dominant Lyazhgi et Olgeti, mais ce trajet nous a pris une journée. Ca aurait été plus agréable (et rapide) à vélo...

Village de Lyazhgi par temps gris en fin d'après-midi

En chemin, nous avons bavardé un peu avec des Ingouches venus de Nazran pour le week-end, ils ramassaient des pousses de pin et faisaient griller des shashliks.

On a fait une pause au niveau de la dernière ferme du village de Lyazhgi, où nous nous sommes ravitaillées en eau, avant de chercher un coin pour bivouaquer en amont. Ce n'était pas la place qui manquait ! On a choisi une pelouse qui se trouvait être sur le chemin entre les pâturages et le village.

Troupeau de chevaux au-dessus de Lyazhgi

Alors en fin de journée, on a eu droit à la visite de tous les bergers du village, à pied, à cheval, ou à moto. Les uns après les autres, tous se sont arrêtés près de notre tente, en nous demandant si on avait assez à manger, si on ne risquait pas d'avoir froid, si on n'avait pas peur des loups et des ours...

Troupeau de vaches contournant notre bivouac. On ne passe pas inaperçues...

On a estimé qu'on était assez proches du village pour ne pas avoir à craindre les ours, on a rassuré nos voisins d'une nuit en leur disant que notre équipement de camping devrait être suffisant, et on les a remerciés en leur promettant que si on avait besoin de quoi que ce soit, on irait leur demander.

Erzi. Troupeau de tours médiévales au-dessus d'Olgeti

Ruslan Naurbiev & Tamara Yandieva : "Хьо хитIа еча" (chant ingouche)

Pendant ces sympathiques visites, nos interlocuteurs nous parlaient bien sûr en russe, mais échangeaient entre eux des commentaires en ingouche (ils étaient intrigués ou amusés, entre autres, par mon chariot-pulka). Alors là, je n'en revenais pas : je ne connaissais encore aucune langue qui comporte une telle densité de sons gutturaux. Je les écoutais bouche bée, toute émerveillée d'entendre quelque chose d'aussi exotique.

Tours ingouches en amont de Lyazhgi

L'ingouche, qui ne ressemble à rien sauf au tchétchène, utilise des régions de la gorge qu'on n'utilise pas pour parler dans les langues indo-européennes, même pas pour produire des "Х" russes avec l'accent géorgien ou des "ch" en schwyzerdütsch.

Petit hameau abandonné en amont de Lyazhgi

Le lendemain matin, grand beau. On en a profité pour aller admirer un point de vue sur Erzi depuis un minuscule hameau abandonné aux tours restaurées par une famille du village. Et ensuite, on a rejoint la route en fond de vallée, puis stop jusqu'à Dzheyrakh.

Lyazhgi, village ingouche. Au fond, l'Ossétie

27 août 2017

Interruption momentanée de l'image et du son / Временное прерывание изображения и звука

Alplager de Tsey. Recyclage d'ustensiles divers en décorations florales.

Albina & Fatima Tsarikaeva : "Дзай-дзай, дзæкъолæ"

Désolée pour mes rares fidèles lecteurs, mais j’ai renoncé à mettre à jour le blog pendant mon petit voyage dans le Nord Caucase :

  • voyageant pour une fois sans vélo (et donc sans dynamo), on a choisi des itinéraires permettant de s’écarter des routes ou pistes carrossables, et comme je n’étais pas en grande forme physique, on avait fait l’impasse sur le panneau solaire pour alléger les sacs à dos. On ne pouvait donc recharger nos jouets communiquants que lors de nos passages dans les hébergements en dur, et on a souvent bivouaqué.
  • la couverture réseau 3G ou 4G dans le Nord Caucase comporte de larges trous (la densité de population est plus faible que dans les Alpes), et nous avons passé plusieurs fois plusieurs journées dans ces trous.
  • et enfin… j’ai réussi 2 fois de suite à épuiser mon forfait mobile Megafon. Je vous explique comment, c’est instructif…

Avec ma carte SIM russe, je pouvais recevoir des SMS de l’étranger, et y répondre. Mais j’ai considérablement sous-estimé la différence de tarif entre envoi de SMS local, ou international : j’ai vidé mon compte en 2 ou 3 SMS vers la France… Lors du 2ème passage à Vladikavkaz, j’ai rechargé mon compte et je me suis bien sûr abstenue de renvoyer des SMS vers la France avec ce téléphone.

Travail d'équipe : 2 électriciens dans une rue de Tbilissi

Dans les jours suivants, je me suis connectée au réseau à 2 reprises, à l’alplager de Bezengi pour transférer quelques photos pour le blog. Alplager de Bezengi. Atelier, affutage de crampons. A ma grande surprise, je me suis rapidement retrouvée une seconde fois en négatif, et je ne pouvais plus rien tirer de mon smarphone, même pas envoyer un simple SMS à l'agence de Vladikavkaz, à environ 130 km de là, pour lui signaler un problème avec le périmètre de validité de notre permis zone frontière.

Lors du passage suivant à Vladikavkaz, je suis retournée à la boutique Megafon en face du marché central pour signaler l’anomalie. Eh bien, la vendeuse m’a aimablement expliqué que c’était normal : j’avais surfé sur internet en Kabardino-Balkarie, et ça, c’était hors forfait pour mon abonnement souscrit en Ossétie du Nord. J'avoue que je ne m'attendais pas à ça de la part d'un opérateur qui couvre toute l'ex URSS...

Dépannage sur le réseau du tramway de Vladikavkaz Morale : si vous souscrivez un abonnement mobile dans le Caucase russe, renseignez-vous bien sur ce qui est inclus ou pas avant de choisir votre forfait (limite entre communications locales ou longue distance ; tarif des transmissions vers les autres micro-républiques voisines, etc).

Enfin, une fois que le blog a eu pris 2 semaines de retard, je me suis dit que ce serait plus simple de gérer confortablement la remise à jour avec mon ordi et ma connection haut débit chez moi au retour. Me voilà rentrée, donc la suite va venir petit à petit. Merci pour votre patience…

30 juil. 2017

Première journée de rando / Первый день прогулки

Le voyage sans vélo comporte pas mal de temps morts. Le temps qu'on aille à pied à l'arrêt de bus "Osetinski teatr" indiqué par la réceptionniste de l'hôtel, puis à un autre plus éloigné indiqué par des passants qui attendaient une marshrutka, on a raté notre bus. Plutôt que d'attendre 4 h le suivant, on a pris un taxi qui attendait là (350 roubles, entre 5 et 6 € pour 22 km). Le chauffeur a fait un arrêt en route pour acheter son pain, et nous en a offert un, un délicieux lavash tout chaud.

Arrivée au poste de contrôle : bienvenue en Ingouchie

Arkadi Tsorionti & ansambl Kavkaz : Danse khevsuri

Dès qu'on quitte la route "Magistrale" Vladikavkaz-Tbilissi à la sortie sud-est de Tchmi, on sort d'Ossétie et on rencontre le poste de contrôle ingouche.

Il y a très peu de visiteurs étrangers en Ingouchie, la plus petite des micro-républiques du Nord Caucase, qui faisait partie de la Tchétchénie-Ingouchie jusqu'en 1992. Les garde-frontière se souviennent avoir vu passer ici 2 cyclistes allemands je ne sais plus quand. Ils contrôlent nos passeports et permis, nous posent quelques questions par curiosité ou en plaisantant (est-ce qu'on a une tente ? des armes pour se défendre des loups et des ours ?), nous indiquent où est la bifurcation vers la "route touristique" (une piste ravinée en balcon au-dessus de la riviére Armkhi) et nous souhaitent bon voyage.

Vallée de l'Akhmi vue de la piste touristique Tchmi - Beyni

Le petit-fils de Gapur Akhriev à Fourtog Après 1/2 h de montée sur cette "route touristique" quasi-déserte, première rencontre : un grand gaillard ingouche à barbe blanche nous propose de monter dans son camion, puis nous laisse continuer notre rando à pied après nous avoir offert 2 pots de miel (on n'en a pris qu'un, nos sacs sont déjà assez chargés).

Un peu plus tard, il nous intercepte de nouveau pour nous faire visiter dans son hameau Fourtog le petit musée consacré à son grand-père Gapur Saïdovitch Akhriev, pilote de chasse et héros soviétique.

Cimetière musulman du hameau de Fourtog

Dans l'après-midi, un copieux goûter nous est offert par Magomed et Mikhaïl. Impressionnant, la vitesse à laquelle ils ont déballé du coffre de leur voiture eau, thé, poulet fumé, pain, saucisse, tomates, concombres et pastèque, avec un carton en guise de nappe et des jerricans vides comme sièges.

Invitation à un copieux goûter le long du chemin entre Tchmi et Beyni

On prendra enfin un thé plutôt qu'une vodka avec Muhamad, Mark et Ismaïl à l'entrée de Beyni.

Vue depuis la piste entre Durukhgisht et Beyni

Il reste quelques vestiges de tours mais rien de bien photogénique par temps gris : on devine à peine le pied des parois de la Gora Stolovaya, une montagne dominant Vladikavkaz qui ressemble un peu au Mont Granier en plus grand. La collection de tours restaurées que j'avais repérées sur internet est en fait quelques km plus loin, au-dessus d'Olgeti (site d'Erzi).

Départ de Beyni. Un essai de chargement pas concluant

Côté technique, le chariot-pulka passe bien, je lui ai même fait prendre 2 raccourcis entre des lacets. Il tient bien à la taille mais les bras du brancard m'appuient sur les hanches à chaque pas. Ce serait mieux avec ceinture + bretelles ; mais si j'avais mes 2 épaules valides, la question ne se poserait même pas, je serais à vélo... Et cette piste tranquille, bien que passablement ravinée, serait tout-à-fait faisable et agréable à vélo.

28 juil. 2017

Premier aperçu de Vladikavkaz / Владикавказ 1

Mairie de Vladikavkaz, style soviétique Bien que située au pied du Caucase, Vladikavkaz, capitale de la république d'Ossétie du Nord - Alanie, et point de passage obligé du transport routier entre Russie et Géorgie + Arménie, n'a pas l'air d'une ville très touristique.

Trio FIDAN : "Ма Иристон" (Ossétie)

La ville est étalée et calme, et dans le quartier de la gare, où notre marshrutka nous a déposées, il y a juste quelques hôtels. On a retraversé la ville pour rater un premier rendez-vous avec Olga, qui a nos permis zone frontière (пограничные пропуски). Elle nous les livrera finalement en soirée au restau ouzbeko-arméno-russo-géorgien où on prendra plusieurs succulents repas au cours de notre séjour.

Rue résidentielle tranquille de Vladikavkaz et gazoprovod typique

Le lendemain, achat de cartouches de gaz dans un petit magasin Trial Sport déniché sur internet, et situé dans un quartier résidentiel "typique". On cherche sans succès des cartes topographiques à une échelle adaptée à la rando pédestre. Par contre aucun problème pour trouver une carte SIM, et du ravitaillement au marché : biscuits, fromage local, fruits secs, céréales, sachets de soupe aux vermicelles, poisson séché, pain lavash (cuit au four tandoor, très plat : on peut le transporter plié ou roulé) et quelques spécialités caucasiennes : des barres de tchurtkhela (pâte de fruit pas trop sucrée et fourrée aux noix) ou des feuilles de pastila (fines plaques de confiture séchée)

Marché central de Vladikavkaz. Spécialités du Caucase : tchurtchkhela et pastila.

Dans les allées de ce bazar, la rumeur nous précède : il y a 2 touristes françaises !

27 juil. 2017

Frontière Géorgie - Russie / Граница Грузия - Россия

Voilà, c'est fait on est en Russie.

Anzhelina Natchyosova : "Черкесский знак"

On a attendu une bonne heure que notre chauffeur trouve d'autres passagers à la gare routière du marché Didube, facilement accessible en métro, à Tbilissi.

Le coin des taxis partagés et des fruits & légumes à Didube

Ensuite juste avant la frontière, on a attendu la correspondance avec le frère du chauffeur, qui fait le même job mais avec un véhicule immatriculé en Russie (il a un passeport géorgien et un passeport russe, ce n'est pas rare en ex URSS). On a aussi attendu plus d'une heure entre les 2 postes-frontière géorgien et russe, puis encore une bonne demi-heure au contrôle de sécurité russe.

Par contre en route, pas trop de temps pour des pauses-photo. Dommage, la route est belle : la montée au col Djvaris (2375m) et le passage dans le défilé du Darial font défiler différents types de paysages, avec calcaire, grès, granit ou basalte, et une végétation assez abondante.

Premier aperçu du Kazbeg. On le verra mieux de Kazbegi.

On a vu le Kazbeg ( 5033 ou 5047 m selon les systèmes de coordonnées géographiques ) sans nuages.

A propos, contrairement à ce que prétend une légende très répandue en France, le Mont Blanc n'est pas du tout la plus haute montagne d'Europe. Il y a dans le Nord-Caucase une dizaine de sommets plus hauts que le Mont Blanc, dont le plus haut, l'Elbrouz (5642m) est entièrement en Europe (ce volcan est au nord de la ligne de crête qui délimite très théoriquement l'Europe de l'Asie).

Zoom sur la frontière Europe / Asie. L'Elbrouz est en Europe !

26 juil. 2017

Etape à Tbilissi / Остановка в Тбилиси

Jgufi Bani : "მოკლე კაბა" (Mokle kaba - chant rachuli)

La situation de la Géorgie a changé depuis mon premier passage ici, puisque le pays a à peu près normalisé ses relations avec la Russie. En 2011, la frontière que nous passerons demain était fermée suite aux 2 conflits armés en Abkhazie et en Ossétie du Sud.

Vieille ville de Tbilissi

Mais Tbilissi n'a pas trop changé. Le centre ancien, partiellement restauré, ne manque pas de cachet. A part la chaleur un peu étouffante, on a l'impression d'une ville où il fait bon vivre, à cheval entre Occident et Orient.

Taxi d'occident et tapis d'orient

Cuisine géorgienne savoureuse : herbes aromatiques, noix, grenades, vin et eau minérale Les Géorgiens sont amusés de nous voir péniblement déchiffrer leur alphabet, et je suis fascinée par la richesse de cette langue en consonnes : pas exceptionnel qu'il y en ait 4 de suite, comme par exemple dans les mots tskhra (9), ou mtsvadi (brochettes). Et là, contrairement au serbe, il n'y a pas de e caché entre les consonnes pour faciliter la prononciation. La faisabilité vient de ce qu'une partie des consonnes sont "éjectives", on peut les prononcer sans utiliser le larynx ni le flux d'air pulmonaire.

Les professionnels du tourisme parlent anglais mais le russe est plus répandu, et il est parlé avec un accent très typé "Caucase". L'an dernier, un Tatar de Kazan m'avait dit que je parlais russe comme un Géorgien. Moi, j'ai pris ça comme un compliment, même si ma prof de russe, qui sait très bien imiter l'accent géorgien, ne considère pas vraiment ça comme un modèle...

Enfin, on retrouve avec plaisir la cuisine géorgienne, qui fait un usage abondant d'herbes aromatiques, d'ail et de noix dans les assaisonnements, et bien sûr les vins géorgiens.

25 juil. 2017

C'est reparti ! / Ещё раз поехали

Pour la première fois depuis très longtemps, départ sans vélo hélas. Mon épaule droite, ma main gauche et ma cervicale C5 ne se sont pas encore remises de l'atterrissage brutal provoqué par un chauffard fin mars. Et pour ménager ma pauvre épaule, je ne porterai pas mon sac à dos, je le tracterai sur un chariot-pulka. L'engin a été fabriqué sur mesure par un atelier artisanal isérois Pulkalp, qui a fermé depuis suite à la séparation des 2 associés.

Frein-filet élégant : du vernis à ongles rose

L'attelage est un peu encombrant, car fait avec le mêmes tubes que les pulkas d'expé polaires, mais pratique avec son brancard démontable. La roue de 20" passera mieux les obstacles que les roues 12" d'autres chariots déjà commercialisés (Carrix, Sherpatrek, Monowalker et autres). Et bien que le chariot Trollix , également produit par un artisan isérois, a l'air bien conçu, je préfère une solution monoroue, a priori plus facile à conduire sur sentier étroit. Et surtout, la ceinture bien ajustée et les renforts transverses devraient me permettre de le manœuvrer sans les mains (c'était le but de l'opération).

Chariot-pulka pratique et solide

Pour le transport par train ou avion, j'ai sanglé mon sac 50 litres entre les bras du brancard. Le tout était utilisable en brouette jusqu'au comptoir d'enregistrement où j'ai démonté la roue et mis un petit tube écarteur à la place. Et comme Turkish n'a pas voulu de ma roue 20" en bagage à main, encore quelques sangles et un rouleau de gros scotch pour fixer la roue à plat sur ce sanwich, et c'était tout bon.

Bagages spéciaux bien arrivés à Tbilisi

Destination : Vladikavkaz via Tbilissi, puis 4 semaines dans "la montagne des langues".

Aïshat Aïssaeva : "Мой Кавказ"

Langues du Caucase : finalement, les Balkans, c'est simple en comparaison...

3 oct. 2016

Rafraîchissement / Обновление

Le blog dort tranquillement, mais de temps en temps, j'avance un petit peu sur les mises à jour que j'avais l'intention de faire (ça peut prendre un certain temps...).

Yakhont : "Изумрудная волна" (A. & V. Igolkin - album Baïkal)

J'ai récemment mis en ligne une description de mes préparatifs pour mon petit tour sur le Baïkal gelé : > rubrique "Boîte à outils" >> page "Basses températures".

L'avantage de parler des préparatifs seulement après, c'est qu'on peut indiquer, le cas échéant, ce qu'on ne referait pas. Dans mon cas, le retour d'expérience est d'un intérêt limité, car il n'a pas fait très froid. Mais bon, vous pouvez au moins aller voir les photos. Je sais que je l'ai déjà dit et écrit, mais je ne me lasse pas : le Baïkal en hiver, c'est beau !

Vivez sur le Baïkal ! Sculptures de glace près de Listvyanka

Une mise à jour "TransSib" suivra peut-être.

10 juin 2016

Kazan, république du Tatarstan / Казань, республика Татарстан

Après 2 nuits tranquilles dans un train qui poursuivait son trajet de Novossibirsk jusqu'à Sotchi, je suis arrivée dans un des "-stan" qui manquait à ma collection, puisque Kazan est la capitale de la république du Tatarstan.

Non, ce n'est pas la Volga, elle est plus large ! De ce côté du Kremlin, c'est la Kazanka.

Rimma Ibragimova & Liliya Hanipova : "Су буйлап"

A quelques % près, la moitié des habitants du Tatarstan sont tatars et l'autre moitié russes.

130e anniversaire de la naissance de Tuqay. Un VIP local.

Outre le fait que le Tatarstan n'est pas un pays à proprement parler, le peuple tatar est une notion un peu confuse, à géométrie variable selon les époques et la nationalité des auteurs des manuels d'histoire. Très schématiquement, les Tatars sont issus d'un ensemble de tribus turco-mongoles (leur langue est proche du turc), qui à un moment donné faisaient partie des Huns, et qui se sont mélangés avec diverses populations slaves ou finno-ougriennes.

Kazan, ploshad Svobody (place de la Liberté).

Les Tatars de la Volga, entre Kazan et l'Oural, sont plus nombreux que les Tatars de Crimée. Ils ont de proches cousins descendants de la Horde d'Or dans la région d'Astrakhan et au Daghestan (les Nogaï), et de très lointains cousins européens (les Bulgares et les Magyars).

Centre-ville de Kazan, rue Baumann

On voit assez vite que Kazan est une ville riche : nombreux bâtiments imposants, parfois récents, aux façades impeccables, flotte de bus et trolleybus assez récente et non dépareillée, rues bien entretenues, boutiques de marques... Kazan accueille de nombreuses compétitions sportives internationales. Le Tatarstan a du pétrole, et jouit d'une certaine autonomie dans la gestion de ses ressources. Une mosquée dans le quartier de la gare

Bien sûr, comme partout, il y a aussi des quartiers moins reluisants : j'ai été hébergée 2 nuits en banlieue chez Rizvon, un immigré tadjik, le mari d'une de mes hôtes de l'été 2015. Dans la petite maison qu'il louait à un immigré ouzbek, accessible par un chemin boueux, son chauffe-eau chauffait l'unique pièce habitable mais pas l'eau de la douche : j'aurais préféré le contraire. Mais bon, par rapport à la maison familiale sans eau courante dans la vallée de Zeravshan, c'était déjà un progrès... Après, je me suis offert un hôtel près du centre pour mieux profiter de la ville.

Groupe folklorique tatare à Kazan

Gos-ansambl Tatarskiy tanets : "Яшлэк"

Le jour de mon arrivée, il y avait une fête au centre-ville : on célébrait le 130-ème anniversaire de la naissance de Tuqay, un grand poète tatare.

130e anniversaire de la naissance de Tuqay. A gauche, bayan ; à droite, accordéon.

Des délégués de différents pays turcophones (Kazakhstan, Kyrgyzstan, Azerbaïdjan, etc...) ont lu des discours honorant la mémoire du poète, et une demi-douzaine d'ensemble folkloriques chantaient et dansaient dans la rue. C'était chouette.

Autre groupe folklorique tatare

Interprète non identifié : "Ай жаный, вай жаный"

Un autre personnage historique important est le chat de Kazan. Il doit sa notoriété au fait qu'un oukaze de l'impératrice Elizabeth Petrovna avait réquisitionné des chats de Kazan pour chasser les souris du palais d'hiver à Peterburg. J'ai aussi lu quelque part qu'un chat se serait distingué en sentant arriver un ennemi dans Kazan assiégée à l'époque d' Ivan le Terrible, ce qui aurait permis au khan local de s'enfuir à temps. Le chat de Kazan a son monument dans la grande rue piétonne du centre-ville.

Le chat de Kazan

Les passants se font photographier bras dessus patte dessous en sa compagnie.

Le Kremlin de Kazan est classé au patrimoine mondial de l'Unesco.

Kremlin de Kazan vu de la rue Baturina

Il est très photogénique. J'ai passé des heures et des heures à me promener dedans et autour, à vélo et à pied, pour voir quel côté était plus joli à quelle heure de la journée. La grande mosquée est très kitsch, mais le reste a beaucoup de cachet. A l'intérieur du Kremlin de Kazan. Tour Spasskaya

Pendant que je me promenais, j'ai été abordée à plusieurs reprises par des gens (Tatars ou Russes, je ne sais pas trop, on rencontre tous les degrés d'hybridation possibles) qui voulaient me souhaiter la bienvenue. C'était agréable, ça me rappelait l'Asie centrale. A part un détail très occidental : un musée de la culture vélocipédique rue Baumann (il y a même quelques petits tronçons de piste cyclable à Kazan).

A Kazan, les trolleybus sont verts, et les bus rouges. J'ai logé dans un charmant petit hôtel en plein centre, dans une arrière-cour tranquille, que j'ai déniché par hasard en apercevant une minuscule pancarte manuscrite au 22 ulitsa Profsoyouza (rue du Syndicat). La patronne était très accueillante ; elle m'a offert une petite boîte de cha-cha (une confiserie locale) le soir de mon départ. C'était pour me remercier d'avoir fini par accepter de discuter en anglais : je voulais m'entraîner en russe, mais elle a vraiment insisté pour pratiquer son anglais...

Elle a appelé un chauffeur de taxi qui s'est montré lui aussi très serviable : il n'avait qu'une petite berline dont on ne pouvait pas rabattre les sièges arrière, et sans galerie de toit. Fin du voyage : mon vélo arrive en taxi à l'aéroport de Kazan. Mais il n'a pas douté une seconde que nous arriverions à l'aéroport avec tout notre chargement. On a sanglé le carton du vélo vide directement sur le toit, bourré le vélo en travers sur le siège avant et 2 places arrière. Le conducteur passait son bras à travers le cadre pour changer de vitesse, et j'étais assise en biais contre une portière arrière. Comme il m'a dit "ça vous fera un souvenir à raconter!".

5 juin 2016

A travers la Sibérie / Поездка через Сибирь

Avant de fonder son école de langue russe à Irkoutsk, Marina Valerievna, ma prof de russe était instit' dans l'école d'un village au nord de l' oblast d'Irkoutsk, à plus de 1000 km : elle y allait chaque semaine en avion. C'est aussi ça, la Sibérie : 2h40 de vol pour un trajet domicile-travail...

Oblast d'Irkoutsk et ancien trajet domicile-travail de ma prof de russe

Quant à moi, j'ai parcouru en train environ la moitié des 9000 km de la voie du TransSib. Et s'il n'est pas rare, en France, d'avoir 3 contrôleurs SNCF successifs différents pendant les 3 h de trajet Genève - Valence, en Russie, on vit avec les mêmes agents RZhD pendant nos 2 à 7 jours de train, selon notre gare origine/destination.

La provodnitsa chef de train donne le départ d'un TransSib en gare de Tyumen

Irkutsk - Kazan, c'était juste assez pour m'imprégner un peu de la notion des distances en Sibérie (on franchit, en gros, un fuseau horaire par jour), et pour me rendre compte qu'il y a plus difficile que l'hiver en Sibérie : le dégel.

Les fleuves du plateau sibérien se déversent en effet presque tous dans l'Océan Arctique : l'aval est encore gelé quand l'amont dégèle, donc la plaine se transforme en vaste mer de boue... Le résultat est ce que les Russes appellent распутица "(raspoutitsa)", un nom venant du fait que de nombreuses routes deviennent impraticables à cette période de l'année.

Paysage typique de Sibérie occidentale : sapins, bouleaux et marais

La voie ferrée du Trans-Sib a marqué le développement de la Russie vers l'Asie, mais bien avant la création de cette voie, des hordes mongoles avaient déferlé sur l'Europe, et des bataillons de cosaques étaient allés conquérir la Sibérie.

Environ 4200 km entre Altaï et Kalmoukie : un peu moins de la moitié de l'extension Est-Ouest de la Russie

Petit témoignage de ces aller-retour : je vous propose d'écouter 2 chants traditionnels. Enfin, du traditionnel qui dépote un peu, et je trouve ça très beau.

Le premier est interprété par un groupe de Krasnoïarsk, à la longitude de l'Altaï mongol (mais à 1100 km plus au nord) ; le second vient d'Elista, entre Rostov sur le Don et le delta de la Volga. Je vous promets que je ne les ai pas inversés !

Yakhont : "Пролегала на степь - дорожга" (chant cosaque)

Et là, j'aime beaucoup les passages en isgeree ou sigit, un des 4 styles de chant khöömeï :

Vladimir Karuyev - Okna Tsagan Zam : "Ээҗин дун" (chant kalmouk)

Halte de mon train Novossibirsk - Adler en gare de Kazan

Humour sibérien

A propos des distances... Lors de mon stage de russe en 2014 à Novossibirsk, l'école nous avait organisé un week-end "à la datcha", chez une amie d'Anna, une des profs de russe. C'était à la campagne, en lisière de forêt, "tout près de Novossibirsk". Notre train пригородный (l'équivalent russe du train de banlieue) roulait déjà depuis 2 heures.

— Anna : Ah, on est presque arrivés, on descend à la prochaine gare, dans 1/2 heure.

— Etudiant belge : Vous savez, chez moi, en 2 heures de train, on aurait déjà traversé tout le pays.

— Anna : Ah bon ? C'est incroyable ! Vous avez des trains si rapides en Belgique ?

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