Les "dunes chantantes" sont une des principales attractions du parc national Altyn Emel, une réserve naturelle quasi désertique qui s'étend sur près de 5000 km2 entre Zharkent et le lac de barrage de Kapchagay.
Le compte à rebours du temps restant avant mon départ du Kazakhstan m'a incitée à prendre un taxi de Zharkent jusqu'à l'entrée du parc. Un des chauffeurs qui attendaient devant le bazar central, avec une vieille Volkswagen déglinguée, mais munie d'une galerie de toit, m'a rapidement proposé un tarif raisonnable, à peine plus élevé que mon prix de départ.
Avec 2 de ses collègues, ils ont hissé et sanglé mon tricycle sur le toit ; je lui ai réglé mes 15'000 KZT dès la première station-service pour qu'il puisse faire le plein (une pratique courante là-bas pour les longues distances). Il m' a déposée devant le bureau des guides du parc Altyn Emel à Basshiy (ex Kalinino) et m'a trouvé une maison d'hôtes pas encore signalée juste à côté, chez Zhanna.
Zhanna est une sympathique jeune baboushka qui travaillait auparavant à l'hôtel Altyn Emel, et a eu envie de proposer un hébergement plus chaleureux et de bon rapport qualité/prix. Son mari a réaménagé une annexe en construisant 4 chambres avec une petite salle de bains toute neuve, et les repas sont servis dans la salle à manger familiale.
Je craignais de trouver une foule de touristes, mais en semaine c'est assez calme. J'ai eu de la chance : j'ai fait connaissance avec Andreas, un allemand parti d'Europe sac au dos 2 mois auparavant, qui venait d'arriver d'Almaty, et qui, lui non plus, n'avait rien réservé. On a décidé de partager une chambre chez Zhanna et un guide avec 4x4 pour 2 jours.
Les gardiens du parc offrent couramment leurs services comme chauffeur-guide, pour un tarif d'environ 50 €/jour, entrée du parc et location du véhicule comprises, donc si on partage le véhicule ce n'est pas cher.
J'avais envisagé de visiter en tricycle, mais l'état des pistes traversant une vaste zone peu intéressante, et les distances entre les sites photogéniques et les rares points d'eau dans le parc, m'en ont dissuadée. D'ailleurs, les gardiens ne m'auraient pas laissé partir seule en trike, sauf pour un aller-retour aux dunes, à cause du manque d'eau potable dans le reste du parc, et de restrictions sur les sites où le bivouac est autorisé.
Le guide nous a judicieusement proposé de commencer par aller voir les fameuses dunes chantantes au coucher du soleil, et de réserver une longue journée le lendemain pour visiter l'oasis de Kosbastau, et les monts Kakutau et Aktau.
La route entre Basshiy et les dunes commence par une longue traversée de steppe rapée et plate, sur une piste en tôle ondulée poussiéreuse que notre Lada 4x4 survolait à vive allure.
On a aperçu en route des rapaces (dont des aigles royaux, mais pas que), quelques chameaux de Bactriane et un troupeau de kulans, une espèce protégée d'ânes sauvages.
Les "dunes chantantes" ne sont pas nombreuses, mais elles sont belles, et surtout, en y montant, on découvre des vues dont on ne se lasse pas : selon le côté où on regarde, on voit des montagnes aux roches oxydées et colorées dominant une plaine aride, des prairies vert pâle, une rivière (l'Ily), ou des montagnes enneigées (une des chaînes de l'Ala Tau). Ou un peu de tout ça à la fois : c'est beau.
Par contre, les dunes étaient muettes : le vent soufflait bien, mais il ne les fait chanter que par temps parfaitement sec, et pas de chance, il y a eu un orage hier, et la météo pour demain n'est pas meilleure...
Le lendemain, c'est un autre gardien qui nous a emmenés en direction de Kosbastau et Kakutau. L'oasis était animé, un minibus de randonneurs russes avait déposé des campeurs entre les énormes saules de 700 ans, qui ont donné leur nom au parc Altyn Emel, et une mare d'eau douce.
Sur le site de Kakutau et ses rochers rouge sombre aux formes tarabiscotées, les gros nuages gris ont commencé à nous arroser d'une pluie de moins en moins fine.
Quelques dizaines de km plus loin, la pluie tombait en trombes. Les ornières de la piste et les moindres creux dans cette steppe habituellement aride étaient pleins d'eau, au point que le moteur du 4x4 commençait à se noyer.
Les toussotements du moteur et un torrent de boue barrant la piste à moins de 10 km du spectaculaire massif Aktau nous ont obligés à faire demi-tour, malgré la fin de l'averse. Dommage... Mais on était plutôt contents que le moteur accepte de redémarrer pour rentrer chez Zhanna, d'autant plus qu'on ne captait plus le réseau depuis une bonne vingtaine de km.
L'après-midi, j'ai flâné dans le village à la recherche d'une petite bière que je n'ai pas trouvée (un petit groupe de touristes autrichiens avaient dévalisé le stock la veille au soir...), j'ai fait essayer mon tricycle à quelques gamins ravis, j'ai pu discuter avec Andreas en prenant le thé, et avec une famille russo-iranienne le soir autour d'un bon lagman. Le lendemain matin, chacun repartira de son côté.