29 mai 2023

Yeghegnadzor et son commissariat

Les photos suivront prochainement, le temps que je trie un peu et fasse quelques petites retouches ou compactage de fichiers JPG.


Plus bas dans la vallée, les reliefs sont moins hauts, plus accidentés et plus arides (à part pendant la grosse averse d'aujourd'hui...). Le paysage commence à ressembler à l'Iran, à ceci près qu'on voit pas mal de panneaux indiquant ici ou là vinozavod, littéralement usine de production de vin, et que les collines sont parsemées d'églises et non de mosquées.

Ensemble Sayat Nova : "Uzundara"

Pour arriver à Yeghegnadzor, on roule sur un tronçon de route M2, l'axe de transit entre Erevan et l'Iran. De nombreux camions iraniens passent par là, en particulier des camions-citerne approvisionnant l'Arménie en pétrole. J'ai salué en persan des routiers iraniens sur un parking où j'ai fait une petite pause pour me désaltérer ; ils m'ont répondu en souriant.

À Yeghegnadzor, je me suis posée dans un gîte tenu par Shushan. En restant 3 jours, j'ai fini par faire partie de la famille, c'était bien sympa. Gagik, le mari de Shushan, est chauffeur de taxi et connait bien les sites de la région et leur histoire : pratique ! Il m'a fait visiter quelques sites dans les environs, à un rythme agréable. J'ai pu flâner autour de 2 églises très anciennes, et dans un cimetière juif abandonné depuis près de 7 siècles tout près de Yeghegis.

J'ai aussi profité de cette halte à Yeghegnadzor, chef-lieu de la province du Vayots Dzor, pour aller déclarer perte et vol de ma tente au commissariat le plus proche de la route principale. J'y ai été accueillie courtoisement. J'ai expliqué mon souci en russe, et au bout d'une bonne demi-heure d'attente dans le hall, j'ai vu arriver le policier qui m'avait demandé de patienter avec... une interprète arménien / français spécialement invitée pour moi ! Mais à part ça, j'ai été impressionnée surtout par l'inefficacité de ces aimables policiers.

J'avais vaguement espéré qu'ils se connectent à l'équivalent arménien du Bon Coin, de Trocathlon ou des petites annonces du Vieux Campeur, et j'avais préparé un bref descriptif de ma tente eu russe, avec la référence du modèle et 2 photos (la tente montée, ou pliée-roulée dans son sac) sur mon smartphone. Comme la marque Hilleberg n'est pas commercialisée en Arménie, une petite annonce pour une tente Hilleberg suffirait à détecter si quelqu'un essayait de vendre ma tente.

Mais que dale : dans la déposition, ils n'ont retenu que tente, et ont insisté pour que j'aille leur montrer précisément à quel endroit je l'avais posée. Un policier m'a emmenée dans une vieille Lada Niva 4x4 jusqu'au lieu du délit, avant de revenir à Yeghegnadzor pour m'expliquer qu'ils allaient interroger les gens du village, car si un des villageois avait trouvé la tente, ils la récupéreraient et m'appelleraient ; mais si la tente avait été embarquée par un passant inconnu, on ne pourrait rien faire. C'est bien connu, les voleurs, ce sont les gens d'ailleurs. Soupir... L'interprète m'a lu en français la version arménienne de ma déposition telle que transcrite par le policier, qui se terminait pas une belle formule de politesse orientale du genre je vous prie de voir si vous pourriez retrouver ma tente, j'ai signé et je suis repartie.

Voilà, j'ai fait du tourisme dans un commissariat arménien. C'est plus original que de visiter de vielles églises, mais pas plus efficace pour retrouver par miracle un objet perdu-volé...

28 mai 2023

Descente dans le sud

Ah, page publiée par erreur avant que j'ai inséré les photos... Les photos suivront prochainement.


Beau bivouac entre Martuni et le col Selim, mai 2023

Armen Chakmakian : "Gypsy rain"

Le versant sud du col Selim (2410m) est très différent du versant nord. Vu que j'ai eu une météo humide en versant sud, et surtout, que je descends beaucoup plus vite que je ne monte, je n'ai quasiment que des photos du côté nord, dommage...

Côté nord, pâturages dans des hauts plateaux vallonnés, et à part les premiers kilomètres au-dessus de Martouni, pentes douces. En mai, les sommets, d'origine volcanique, sont encore enneigés.

Côté sud, c'est raide. La route serpente entre quelques parois ou pitons de tuf et de colonnes basaltiques, des îlots de verdure et de petits vergers en fond de vallée (pommes, abricots, noix, grenades,...). Après une première série de lacets, ma route a croisé celle d'un orage, mais comme d'habitude, les averses ne durent pas longtemps.

Lors de ma traversée du village d' Aghjnadzor, mon tricycle et moi avons suscité la curiosité de 3 ados cyclistes. Ils ont roulé à mes côtés, ou derrière moi dans les descentes et devant dans les montées. Je me suis arrêtée un moment avec eux pour passer mon tricycle au jet dans une petite station-service, car de la boue s'était accumulée entre pneus et garde-boue.

C'est dans cette longue descente (-1300m de dénivelé) qu'est survenu le seul incident vraiment gênant de mon voyage en Arménie. Je me suis arrêtée pour rafistoler une N-ème fois les tringles du garde-boue arrière. Pour accéder aux tringles, j'ai déposé une sacoche et l'ai vidée d'une partie des bagages le long de la haie en bord de route pour accéder à mon kit de dépannage. Et en partant, pressée par des nuages noirs qui recommençaient à goutter, j'ai oublié le sac de ma tente. Je me suis aperçue environ 10 minutes plus tard, en regardant dans mon rétroviseur entre 2 virages, que ma sacoche était anormalement peu dodue, oy ! Mais pour remonter le dénivelé descendu allègrement en 10 minutes, en tricycle couché bien lourd, il faut largement plus d'une heure... Quand j'ai enfin atteint la haie où je m'étais arrêtée, entre 2 averses et à la nuit tombante, mon sac n'était plus là :-(

Je suis à peu près sûre qu'il a été ramassé par un piéton du village, car en passant en voiture, le sac, vert foncé au pied d'une haie, ne devait pas être très visible (d'où mon oubli...). Les quelques passants que j'ai interrogés à Aghjnadzor ne m'ont été d'aucun secours, sauf le dernier, qui m'a invitée à passer la nuit dans son arrière boutique pour m'abriter de la pluie. Ben oui, cyclo-campeur sans tente, par temps pluvieux, c'est pas bien confortable...

Le lendemain, j'ai repassé en revue le bord de la route sur 3-4 km en amont, pour vérifier que je ne me trompais pas de haie, mais pas de doute, ma tente avait bien disparu. Il était assez évident que je ne trouverais rien pour la remplacer à Yeghegnadzor, et je savais que même au magasin camp.am à Erevan, le choix était limité... J'étais un peu tentée de repartir dès le lendemain pour la Géorgie, mais finalement, j'ai décidé de passer les 2 semaines restantes en cyclotouriste sans tente, même si ça allait être très contraignant et frustrant pour le découpage et le déroulé des étapes.

26 mai 2023

Au bord du lac jusqu'au col suivant

Bande cyclable d'arrêt d'urgence au bord du lac Sevan, mai 2023

Tamara Yandieva : "Noubar"

J'ai continué mon chemin le long du lac Sevan, pendant une quinzaine de km sur la bande d'arrêt d'urgence cyclable à contre-sens de la voie express, cette fois de jour. Et en effet, personne ne m'a rien dit, même les 3 voitures de police que j'ai croisées sur ce tronçon.

Lac Sevan juste avant la presqu'île de Sevananank, mai 2023

Ensuite, à Sevan, la route 2x2 voies bifurque à l'ouest vers Erevan, et moi, j'ai continué à longer le lac vers le sud, tranquillement sur une route où il y avait relativement peu de circulation.

Rivage du lac au sud de Sevan, mai 2023

Le lac Sevan a eu une eau pure, et était peuplé d' "ishkhan", une espèce de truite réputée pour sa chair. Mais des prélèvements pour irriguer des régions plus sèches et alimenter quelques centrales hydroélectriques, le déversement de quelques polluants issus d'une mine d'or à la frontière Arménie / Azerbaïdjan, et l'introduction de "sig" à l'époque soviétique, ont fait considérablement diminuer cette population de truites, et le niveau du lac d'environ 20 m.

Un des nombreux petits kiosques de vente de poisson séché sur les rives du lac Sevan, mai 2023

Aussi, la plupart des restaurants ou des kiosques de poisson séché au bord du lac vous proposeront du "sig", qui est, si j'ai bien compris, un proche cousin du lavaret ou de la féra de nos lacs alpins, mais originaire des lacs proches de la Baltique, et introduit ici à l'époque soviétique.

Domilk avec vue sur le lac, et début de ma cure de sig grillé, mai 2023

J'ai donc fait une cure de "sig" grillé et salade tomate-concombre aux herbes fraîches, et ai ainsi pu découvrir 2 autres herbes comestibles dont je n'ai pas retenu le nom, une au goût de radis, et une qui a un aspect intermédiaire entre aneth et estragon avec un goût très proche du persil.

Kiosque de grenades à Sevanavank : le jus fraîchement pressé est délicieux, mai 2023

Même sans baignade (l'eau est encore bien froide), j'ai pris mon temps, et j'ai visité au passage 3 sites touristiques dont un seul était plein de touristes et de kiosques pour touristes, Sevanavank. J'ai fait une pause agréable à un stand de jus de grenades fraîchement pressées, avec vue sur le monastère et les échoppes de babioles et autres cailloux sculptés.

Arrivée au monastère Hayravank, mai 2023

Le petit monastère de Hayravank était presque aussi photogénique et nettement plus calme.

Petit monastère de Hayravank, mai 2023

Enfin, j'ai été un peu déçue par le cimetière de Noraduz, car on ne peut pas voir en même temps les "khatchkars" et le lac, et en plus, je l'ai visité par temps très gris...

Cimetière de Noradouz : anciens khatchkars, tombes récentes, vaches actuelles, mai 2023

Les khatchkars, ce sont des pierres tombales, souvent dressées verticalement, et comportant des inscriptions, des scènes de vie et/ou des croix.

Noraduz. Un portrait de Charles Aznavour est accroché au mur face à l'entrée du champ de katchkars., mai 2023

Les plus rustiques et résistantes (certains datent de plus de 10 siècles) sont taillées dans des roches volcaniques, les plus finement sculptées sont taillées dans des roches calcaires.

Le grand champ de khatchkars de Noraduz, mai 2023

La production de pierres de taille reste une activité courante en Arménie. On voit régulièrement de petites fabriques le long des routes, où une grosse machine découpe les blocs de cailloux en plaques.

Fabrique de pierres, mai 2023

Et après ce tronçon presque plat, bien sûr, il y a d'autres montagnes et cols. Le suivant sera le col Selim, le plus haut de mon petit tour en Arménie, à 2410 m d'altitude. J'ai pu admirer au passage le travail d'une équipe de pose de "rustines" en bitume sur les nids de poule de cette route de montagne.

Equipe de poseurs de rustines en bitume, mai 2023

23 mai 2023

De col en col jusqu'au lac Sevan

Je profite d'une pause relax pour réduire le retard que le blog a pris sur moi (et pourtant, je ne roule pas vite...).

Armenian Navy Band & Arto Tunchboyadjian : "Havatqs chem moranum"

Ah, mise à jour encore retardée par une coupure de courant...

Arrivée à Dilijan par temps pluvieux, mai 2023

Bien que Dilijan soit un peu plus touristique qu' Idjevan, je ne m'y suis pas arrêtée très longtemps. J'y suis arrivée par temps de pluie.

Centre de Dilijan. Façade typique avec dalles de basalte, mai 2023

Je me suis réfugiée dans un petit gostevoy dom (gîte chez l'habitant) sympa, chez Lidia. Elle m'a gentiment prêté des pantoufles et proposé un thé bien chaud quand elle m'a vue marcher en chaussettes mouillées dans sa maison.

Entrée ouest de Dilijan. Autocollants "Artsakh libre", périmés..., mai 2023

J'ai passé les 2 averses suivantes au musée d'art et d'archéologie, puis dans un bon petit restaurant où je me suis régalée : truite grillée aux noisettes et à l'estragon avec beurre au citron et épinards frais, et un verre de bon vin blanc de la région, au goût qui rappelle un peu les mtsvane et kvevri géorgiens, miam !

Montée de Dilijan au col de Sevan, mai 2023

Ensuite, longue montée de Dilijan au col de Sevan (2150m) par temps frais puis humide. Pendant les 2 averses suivantes, j'ai trouvé refuge successivement dans un hôtel avec piscine et sauna, où j'ai aussi profité du sèche-cheveux pour faire sécher ma petite lessive ; puis le lendemain sous un minuscule kiosque où Seda et son mari vendent des épis de maïs bouillis pour arrondir leurs fins de mois de modestes retraités.

Maïs bouilli au feu de bois et au gaz, mai 2023

J'ai pu profiter de leur installation low-tech pour me réchauffer les pieds : un tuyau branché sur leur vieux 4x4 soviétique alimente leur petit brasero mixte feu de bois + gaz (il y a pas mal de voitures qui roulent au gaz GPL en Arménie).

Refuge pendant une averse sous le kiosque de maïs bouilli avec Seda, mai 2023

Et enfin, une belle éclaircie m'a permis de rejoindre le col par l'ancienne route, encore en assez bon état. La route actuelle passe dans un tunnel de 2 km, pas envie de m'y aventurer en tricycle couché !

Montée au col de Sevan pour éviter le tunnel Dilijan - Sevan, mai 2023

A partir de Semionovka, le petit village installé au col, le paysage est assez différent.

Une antenne émerge des nuages au col Sevan, mai 2023

On arrive sur de hauts plateaux volcaniques vallonnés, et les paturages remplacent la forêt.

Col de Sevan : espérons que les nuages ne passeront pas, mai 2023

De là, on commence à voir le lac Sevan, que j'ai atteint à la nuit tombante.

Première vue du lac Sevan depuis le col de Sevan, mai 2023

Là, quelques gars qui attendaient une marshrutka m'ont indiqué un petit hôtel à 2-3 km, et j'ai fini par comprendre que quand ils me disaient "à gauche", c'est qu'il fallait prendre la voie express qui longe la rive ouest du lac à contre-sens, vu que les restaus et hôtels sont quasiment tous côté lac. Ils étaient unanimes : un vélo à contre-sens sur la bande d'arrêt d'urgence, ça ne pose aucun problème, personne ne me dirait rien. Mais je me sentais moyennement à l'aise dans cette situation avec mon petit éclairage sur piles AA à l'arrière et AAA dans ma frontale...

Lac Sevan et chaîne de Vardenis après une nuit bien fraîche, mai 2023

Alors, je me suis arrêtée dès que j'ai pu, dans un minuscule restaurant déjà fermé mais encore animé, où Gevorg et ses 2 cousins terminaient une longue journée de travail : ils construisent des "domiki", des paillottes en bois, pour agrandir le restaurant. C'est dans leur parc tranquille que j'ai pu monter ma tente.

Le parc du petit restaurant de Narineh et Gevorg, mai 2023

En prime, j'ai été invitée pour le repas préparé par Narineh, la tante de Gevorg : ça m'a donné l'occasion de découvrir une nouvelle plante comestible, appelée khantig en arménien, qui se consomme marinée comme du câpre ou des cornichons, et qui ressemble beaucoup au dzhondzholi géorgien. Quand j'ai demandé le nom russe, ils m'ont dit qu'ils ne savaient pas, le khantig ne pousse pas en Russie.

J'ai ensuite pu m'installer très confortablement, car Gevorg m'a prêté 4 couvertures que j'ai utilisées comme moquette dans ma tente : il avait peur que j'aie froid, la météo annonçait +1°C cette nuit. Je n'ai pas regretté d'avoir emporté le plus épais (enfin, le moins léger) de mes 2 duvets. Seule ombre au tableau de cette nuit : le vent a tourné après l'heure du coucher, et je me suis retrouvée une partie de la nuit sous le vent d'un tas d'ordures qui se consumait lentement mais sûrement. Ca, c'est une plaie en Arménie : les gens brûlent souvent eux-mêmes leurs ordures à ciel ouvert.

Et enfin, le lendemain, une journée complète sans la moindre averse : j'ai pris un petit coup de soleil sur les bras.

13 mai 2023

Idjevan, Valence, Erevan

Armen Chakmakian et Djivan Gasparian: "Pays lointains"

J'ai trouvé sans chercher la rue de Valence à Idjevan, et j'avoue que je ne sais pas s'il y a une rue d'Idjevan à Valence (il y a une rue d'Arménie dans le centre-ville).

Rue de Valence à Idjevan, mai 2023

C'est une rue devenue piétonne qui relie la fontaine du centre-ville au parc aux 100 sculptures.

Centre d' Idjevan, Иджеван, ԻՋԵՎԱՆ, mai 2023

Ces sculptures sont, si j'ai bien compris, les vestiges de l'époque où la ville accueillait un festival de sculpture. Elles sont taillées dans de beaux blocs de basalte, une ressource naturelle abondante en Arménie (l'Ararat, et l'Aragats, point culminant de l'Arménie, sont des volcans). J'ai peu de photos car il pleuvait les 2 fois où j'y suis passée.

Corde à linge XXL. J'aurais bien voulu voir la mise en place..., mai 2023

À part ça, on a vite fait le tour du centre-ville, un peu terne et pas encore très touristique. Asperges sauvages et estragon à l'omelette, mai 2023 Du coup, dans mon accueillante gostevoy dom, j'en ai profité pour me cuisiner 2 bons petits plats simples avec des produits locaux rapportés du marché : une omelette bourrée de petites asperges vertes sauvages et d'estragon, et une poëlée de feuilles de betteraves aux petits oignons frais et à la ciboulette.

Enfin, je vous passe les détails, mais j'ai interrompu ma pause à Idjevan par un aller-retour express en marshrutka à Erevan, pour acheter un matelas de bivouac digne de ce nom, mon matelas gonflable ayant rendu son dernier souffle après 7 saisons de bons et loyaux services. J'ai essayé de me dépanner avec 2 longueurs de 1m50 de tapis d'évier dénichés dans un magasin d'équipements domestiques à Noyemberian, mais c'est nettement plus encombrant, plus lourd et moins confortable qu'un vrai matelas de bivouac !

11 mai 2023

Sous pavillon arménien

Paysage en zone frontalière, près de Kirants. Ce petit lac de barrage est en Azerbaïdjan, mai 2023

Je suis passée par le poste frontière de Sadakhlo (Géorgie) / Bagratashen (Arménie). La route Bagratashen - Idjevan - Dilijan est un des 2 axes de transit Russie - Tbilissi - Erevan, mais il n'y a pas grand chose à Bagratashen, ce n'est pas une région touristique, et le trafic est peu dense.

Iveta Mukuchyan : "Hayastan Jan"

Un petit groupe de routiers arméniens qui faisaient la queue pour passer en sens inverse du mien m'ont saluée, et ont tenu à accrocher un petit drapeau arménien sur le mât de mon tricycle, au-dessus de mes fanions fluo.

Frontière franchie, mon tricycle navigue sous pavillon arménien, mai 2023

Premières impressions de l'Arménie : les Arméniens sont accueillants et assez agréables, et fiers de l'être. Un peu plus loin sur ma route, Volodia et Levon m'ont invitée à boire un thé et un verre de gnôle de pomme faite maison, et m'ont expliqué qu'ils étaient fiers de leur village Tchardakhlo, qui avait donné 2 maréchaux à l'empire soviétique (Hovhannes Bagramian et Amazasp Babadjanian, qui ont tous deux commandé des troupes sur le front entre Lituanie et Caucase pendant la 2ème Guerre Mondiale). Volodia a perdu un frère, tué pendant la 2ème guerre du Haut-Karabagh ; mais le nord de l'Arménie est resté calme.

Entre les 2 maréchaux de Tchardakhlo, mai 2023

Si des Arméniens vous invitent à boire un verre ou une tasse, ce sera plus souvent café que thé, et c'est du café arménien ; l'appellation café turc est mal vue ici, évidemment. La cuisine est simple dans les petits restaurants le long de la route : le menu-type est viande grillée (souvent en brochette), pain plat lavash, et salade tomate concombre. Mais tout est abondamment assaisonné d'herbes fraîches (coriandre, basilic, aneth, persil, ciboulette, menthe, estragon, thym,...), j'aime bien. Le nord-est de l'Arménie est aussi verdoyant que la Géorgie, et c'est facile de trouver des coins de bivouac à peu près confortables.

Petit coin bucolique du Petit Caucase, mai 2023 Naturellement, si c'est si vert, c'est qu'il y a souvent des averses, en fin d'après-midi ou en début de nuit, mais bon, météo globalement agréable.

Et si une averse tombe pendant qu'on traverse un village, pas de souci, un abri s'offrira au cyclo-voyageur, comme à Noyemberian où j'ai passé une demi-heure dans la petite boutique de frippes d'Arpineh, Dans la boutique d'Arpineh pendant une averse, mai 2023 en prenant un café agrémenté de sucreries faites maison, comme en Géorgie, à base de noix enrobées de sirop de fruits séché.

Dans les gîtes ou petits hôtels, les installations sanitaires sont incontestablement de technologie russe. L'eau chaude est aléatoirement à droite ou à gauche, et surtout, le réglage du mitigeur pour prendre une douche ni glacée ni brûlante demande beaucoup de doigté et de patience ; si on y arrive, il faut faire très attention de ne pas le dérégler en le touchant du coude...

Vous voulez un café macchiato, ou bien ???, mai 2023Mon apprentissage du déchiffrage en alphabet arménien ne progresse pas aussi vite que j'espérais, car dans la région que je viens de traverser, outre que j'avance très lentement sur mon enclume non motorisée, à cause des "montagnes russes", et que je vois donc peu de panneaux par heure, les panneaux ne sont pas souvent transcrits en alphabet cyrillique ou latin. Mais bon, au 4ème jour, j'ai pu reconnaître, en cherchant bien, non seulement le macchiato et le retour monnaie, mais aussi le capuccino et le chocolat au menu de cette machine distributeur de boissons.

Bon, suite au prochain épisode. Le petit orage d'hier soir avait coupé internet, mais c'est rétabli. Pour l'heure, je vais faire un tour en ville dans Idjevan, après une nuit reposante dans un confortable et sympathique gîte, chez Anahit, une jeune retraitée ex prof de physique de la fac d'Idjevan.

Ah, j'allais oublier : incroyable, j'ai vu une trace d'un passage d'Obélix en Arménie ! Obélix serait-il passé en Arménie ?, mai 2023 Lui aussi, il avait dû croiser des caravaniers arméniens à la frontière. Mais à part ça, comme prévu, le russe m'est nettement plus utile ici que le français ou l'anglais.

6 mai 2023

Gaumardjos

J'ai beau passer à Tbilissi pour la 4ème fois (en 12 ans), j'ai encore eu droit à un tarif touriste entre l'aéroport et la gostevoy dom où j'avais réservé. Mais au moins, le chauffeur avait un très grand break, il a trouvé rapidement cette minuscule rue dans un quartier sans aucune signalisation (il avait une appli guidage GPS dans son smartphone) et la propriétaire Salomé m'a accueillie aimablement à 4 h du matin, heure locale (2 h de décalage avec la France).

Jgufi Bani : "Afxazuri balada"

Je vous raconte en passant ce qui est arrivée à mon encombrant et pesant bagage spécial, mon tricycle couché AZUB. Figurez-vous qu'il est arrivé dans le hall à Tbilissi avant mes sacoches, et sur le tapis roulant normal ! Carton un peu écorché, car les bagagistes ont défait ce que le Service "Bagages spéciaux" de l'aéroport de Genève m'avait contrainte à faire.

Avant d'aller à l'aéroport, j'avais emballé mon colis spécial en laissant soigneusement dépasser les 2 roues avant, et une sangle attachée à l'arrière. Ainsi, posé au sol, le trike était protégé par sa carapace de carton et ne roulait pas, mais si on soulevait un peu l'arrière en prenant la sangle, on pouvait faire rouler l'engin en le tirant par sa laisse : extra ! J'ai oublié de photographier la chose, mais j'étais fière de mon emballage.

Le spécialiste du recyclage de vélos au Vieux bazar de Tbilissi, mai 2023

A Cointrin, les agents à l'accueil m'ont obligée à aller "compléter" cet emballage pourtant idéal à la " machine à wrapper", ce qui a donné bien du mal au technicien, le gabarit du bagage n'étant évidemment pas adapté à sa machine, et j'ai dû récupérer un chariot pour me re-présenter au chargement.

Eh bien à Tbilissi, j'ai constaté que les bagagistes, soit dès Genève, soit à Istanbul, ont déchiré le suremballage pour redonner à mon emballage son caractère fonctionnel. Ah, quand ceux qui décident ne sont pas ceux qui font le boulot, c'est bien partout pareil...

Bref, tout bien arrivé à Tbilissi. J'aime bien cette ville, que je vois pour la première fois avant la haute saison touristique : c'est encore mieux ! Température agréable au lieu d'étouffante, un peu moins de cohue dans le centre ancien rénové.

Slava Ukraini (gloire à l'Ukraine), mai 2023

J'ai pris un bon repas à la terrasse d'un restau apparemment simple mais excellent (et pas donné, mais bon, pour un touriste français, abordable) qui avait accroché en façade un drapeau ukrainien (j'en ai vu pas mal d'autres en ville) et un pannonceau indiquant "En mangeant ici, vous êtes d'accord que Putin est criminel d'avoir agressé l'Ukraine" À la terrasse du restaurant Otsy, avec un.verre de Kisi, un très bon vin blanc géorgien, mai 2023. Et il y avait des Russes aussi bien en terrasse qu'à l'intérieur...

En sortant, j'ai cherché d'où venaient les chants géorgiens que j'entendais : un petit ensemble vocal était en train de répéter dans la cour avec petit parc d'une église. Un des choristes m'a expliqué que les chants les plus énergiques et entraînants qu'ils venaient d'interpréter parlaient du vin géorgien. Mais l'interface de gestion des pages du blog ne reconnaît apparemment pas le format mp4 de la vidéo mon smartphone, bizarre : eh ben tant pis, je ne vous en mets pas un extrait ici... Gaumardjos !

16 avr. 2023

Au menu cette année

Bon, si avec les indices précédents et votre moteur de recherche, vous n'avez pas trouvé, c'est que vous n'avez pas bien cherché : je serai bientôt en Arménie.

Shahnourh Aznavourian : "Emmenez-moi"

Je vais une fois de plus embarquer avec Turkish, vu qu'Istanbul est souvent sur mon chemin, et que cette compagnie aérienne est très sympa pour les vélos "hors gabarit" en bagage : ils prennent mon encombrant tricycle couché de 23 kilos pour le prix d'un vélo normal. Petite complication : Turkish ne dessert pas l'Arménie, et 84% des 1254 km de frontières internationales terrestres de l'Arménie sont hermétiquement fermés.

Arménie, carte schématique, avr. 2023

Depuis quelques années, il y avait de laborieuses négociations en vue d'une possible future ouverture de la frontière terrestre entre Turquie et Arménie. Mais l'Azerbaïdjan, qui arrose la Turquie —et l'Union Européenne— par le gazoduc BTC (Bakou - Tbilissi - Ceyhan) a contribué à faire capoter ça, en lançant une opération militaire spéciale aux frontières de l'Arménie et du Haut Karabagh (nom azéri) ou Artsakh (nom arménien), de septembre à novembre 2020. J'atterrirai donc à Tbilissi.

Alphabet géorgien

Le poste-frontière arménien le plus proche, Bagratashen, n'est qu'à 80 km. J'ai noté quelques sites intéressants ou photogéniques. Je ne sais pas encore dans quel ordre j'y passerai, ni si j'aurai le temps de tous les visiter, au rythme de ma chaise longue à pédales. Mais j'ai repéré Idjevan, ville jumelée avec Valence (là où —pub !— mon employeur l'UGA m'envoie travailler sans prendre en compte mes temps de trajet Grenoble - Valence) ; Dilijan ; le lac Sevan et le site de Noraduz ; Erevan ; peut-être Goris plus au sud. Et, inévitable en Arménie, quelques monastères, églises ou autres temples perchés choisis pour la vue (les intérieurs m'intéressent moins), comme Khor Virap face à l'Ararat, Geghard en partie troglodyte, Tatev, Noravank, Garni... Et bien sûr, je pratiquerai mon jeu habituel : apprendre à lire les panneaux et les enseignes.

Alphabet arménien

Et je ne visiterai pas le Haut-Karabagh, vu que les opérateurs militaires spéciaux azerbaïdjanais en bloquent l'accès, sous le vague contrôle de casques-bleus russes pas mécontents d'être là plutôt que sur le front ukrainien...

11 avr. 2023

Ouf, on repart !

Enfin, c'est pas trop tôt !

HK (Kaddour Hadadi et les Saltimbanques) : "Danser encore"

Après les épidémies successives de Covid, de con-finements absurdes, d'injonctions contradictoires, de passes dits sanitaires aux critères arbitraires, et de fermetures intermittentes de frontières,

De gauche à droite : la porte-parole du gouvernement, le ministre de la Santé, et le président du Conseil Scientifique, avr. 2023

on peut de nouveau voyager à peu près normalement. Pas partout, certes : toutes les frontières n'ont pas réouvert, certaines sont même devenues infranchissables ou très dangereuses (pauvre Ukraine...), mais situation en très net progrès. Et cette année, je peux déstocker un peu de CET (compte épargne-temps), alors j'ai décidé d'en profiter pour prendre un congé "hors saison", c'est-à-dire en-dehors des grandes vacances d'été. J'irai visiter un pays qui me tentait depuis longtemps, mais où je n'avais pas trop envie d'aller en plein été.

C'est encore un pays en -stan, du moins, dans sa propre langue. Paysage et fruit typiques, et accessoirement couleurs du drapeau national du Hayastan, avr. 2023 C'est un pays montagneux dont la montagne la plus connue (5165m) aurait, selon notre correspondant à la SPA, accueilli le tout premier bateau de réfugiés climatiques. Ce volcan endormi est en fait dans le pays riverain, juste de l'autre côté de la frontière, et on ne peut pas y aller sans faire le détour par un pays tiers. Son territoire a été dépecé par les 3 empires voisins, et a perdu près de 90% de la superficie qu'il avait à son apogée, ainsi qu'une fraction non négligeable de sa population déportée et massacrée. Sa diaspora est plus nombreuse que ses 3 millions d'autochtones. Son alphabet compte 39 lettres (dont quelques consonnes originales, ça se fait bien dans cette région du globe), et je ne sais pas encore le déchiffrer. L'avez-vous reconnu(e) ?

M.Gyulum..., Ankin... T.Khandjar..., A.Minass... et J.Teke... : "Hin u nor Hayastan"

Allez, j'ajoute 2 indices :

  • A.Minass... joue du duduk.
  • Et si Goscinny avait écrit un album Astérix en Hayastan, les personnages auraient pu être le chef Brassduvan, son conseiller Bonessian, le soldat Tambourbatan, le diplomate Lubrifian, le coursier Véloplian, les marchands Négossian et Détayan, le vigneron Roujoublan, le druide Charlatan, le barde Silvivartan et la danseuse Volplaneh, le géomètre Piradian, le doyen Poidézan et son épouse Bonnaneh, l'aubergiste Otelrestoran, la cuisinière Eskaloppaneh et les serveuses Pôbazaneh et Dékaféineh...

Hayastan, carte schématique muette, avr. 2023

17 mai 2020

Dernier col avec vue sous les aigles / Последний перевал с видом под орлами

Sortie du village de Basshiy

Aïnaz Kabysheva : "Қамажай"

J'ai un peu hésité à refaire une tentative d'approche des monts Aktau, mais cela m'aurait obligée à terminer ma boucle au pas de course. Tant pis, j'ai gardé l'habitude qui avait rendu mes précédents voyages si agréables et intéressants : se laisser porter par les imprévus, plutôt que de collectionner frénétiquement les sites touristiques.

3 des 6 aigles qui volaient dans mon champ visuel, dans le nord du parc national Altyn-Emel

Les aigles me l'ont bien rendu : à l'approche des hauteurs qu'on franchit par le col Altyn Emel, ils étaient nombreux par cette belle journée d'après orage.

Aigle survolant le secteur nord-ouest du parc Altyn-Emel, août 2019

La position semi-allongée sur un tricycle couché, et sa stabilité intrinsèque à basse vitesse, sont idéales pour admirer le ballet des aigles royaux : j'en ai eu jusqu'à 6 volant simultanément dans mon champ de vision. Bon, OK, le champ de vision est vaste dans la steppe kazakhe, mais quand même !

Les 3 autres des 6 aigles qui volaient dans mon champ visuel, dans le nord du parc Altyn-Emel.

C'est un beau spectacle, difficile à rendre en photo : le contraste entre la relative lenteur de leurs battements d'ailes, et la vitesse à laquelle ils volent ou changent de direction, est impressionnant. Pas étonnant que l'aigle soit si souvent présent sur les armoiries des empereurs...

Route du col Altyn Emel. Aire de repos pour voitures fatiguées

Au pied du col, une vieille voiture au look typique des Volga de la fin de l'URSS s'est arrêtée juste devant moi. Toute la famille est sortie pour me saluer cordialement et m'offrir un fruit et quelques biscuits. Comme je leur faisais part de mon étonnement amusé en comptant le nombre de passagers qui venaient de descendre de la voiture, le père m'a proposé avec un grand sourire d'emporter un des enfants sur mon porte-bagages, déclenchant l'hilarité de sa petite tribu.

Montée au col Altyn Emel

Le ruisseau qui, d'après ma carte, longeait la route, était à sec sur une partie du parcours, mais je n'ai pas manqué d'eau. Quelques fermes ou yourtes isolées vendaient du kumyz, fromage ou un repas sommaire à base de shashliks.

Cimetière dans la steppe peu avant Sary Özek

La vue de l'autre côté du col s'ouvrait progressivement sur une steppe vallonnée où je me suis posée pour un dernier bivouac, puis sur la plaine d'Almaty.

Descente sur Kapchagay

J'ai traversé Sary Özek, une petite ville flanquée de quelques usines en ruine, et j'ai fait une pause de 2 jours à Kapchagay, dans un hôtel un peu excentré qui ne payait pas de mine, mais bien confortable : j'avais un petit appartement climatisé dans un préfabriqué, avec sauna dans le bâtiment d'en face et un restaurant juste à côté. Mais ma gourmandise m'a poussée à aller tester un restaurant géorgien au centre ville.

Dans une rue tranquille près du bazar de Kapchagay

Kapchagay est une station avec des casinos à la réputation sulfureuse, quelques centres de vacances qui ont plus ou moins bien vieilli,

Kapchagay : résidences de standings divers et variés

une centrale hydroélectrique et une banlieue industrielle fatiguée.

Zone industrielle de Kapchagay

Les plages du lac de Kapchagay ne sont pas super attractives, j'ai finalement préféré me relaxer à l' Akvapark, avec ses aires de pique-nique, son café-restaurant en terrasse et ses bassins avec toboggans.

Dans l' Akvapark de Kapchagay

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