Magomed, bourgmestre de Sogratl / Магомед, градоначальник Согратля
Par Moi le 14 avr. 2019, 19h58 - Dagestan - Lien permanent
Magomed m'avait doublée la veille sur la petite route avant Gamsutl. Quand je lui ai expliqué que je voulais visiter le village-fantôme et Tchokh, un autre village perché mais bien vivant celui-là, il s'est efforcé de me convaincre que son village Sogratl était aussi intéressant que Tchokh et qu'il fallait que je vienne lui rendre visite.
J'ai hésité, car même si c'était proche, ma carte laissait prévoir une autre bonne grimpette pour y arriver.
Qu'à cela ne tienne : le lendemain matin, Magomed m'a téléphoné pour savoir si j'étais bien en route, et il est venu à ma rencontre. Il m'a proposé de laisser le tricycle sur le parking d'une petite station-service en fond de vallée, et m'a conduite en voiture à Sogratl.
Au niveau architecture, Sogratl est en effet aussi intéressant que Tchokh, même si le site est un peu moins spectaculaire : Sogratl est à flanc de montagne alors que Tchokh est sur une petite crête.
Dans ces 2 villages avars, les maisons sont construites en escalier, le toit d'un niveau pouvant servir de terrasse à ceux du dessus. On peut circuler, à pied, par des ruelles, des escaliers et des arcades en tunnel, comme les traboules du vieux Lyon. Des grilles permettent de voir les galeries d'écoulement des eaux (pluviales ou eaux usées) qui descendent droit dans la pente, sous ou entre les constructions.
Magomed Gadzhiomarovitch est le bourgmestre de ce gros village.
Le long de la petite route qui monte à Sogratl, il m'a montré les rétroviseurs qu'il a fait installer dans quelques lacets ou au débouché de chemins transverses sans visibilité. Il avait vu de tels équipements quand il faisait son service militaire à Berlin-Est, et une fois devenu bourgmestre de son patelin, il a cherché un fournisseur pour la Russie.
Pendant qu'il me guidait dans les ruelles du village, j'ai aussi remarqué qu'il avait fait installer des corbeilles et des poubelles. Résultat : pas un détritus ni un emballage par terre, c'est le village le plus propre que j'ai vu au Daguestan.
J'ai pris un thé avec 3 employés de la municipalité, pendant que Magomed recevait une de ses administrées venue en fauteuil roulant à la Mairie. A la fin de l'entretien, les fils et/ou voisins de cette vieille dame sont venus porter le fauteuil dans les escaliers pour la reconduire chez elle. Ce n'est pas que la Mairie soit spécialement peu accessible aux PMR : en fait, tout le village est en escaliers...
Puis j'ai eu droit à une visite guidée de Sogratl. On a pris un thé avec quelques pâtisseries traditionnelles chez la mère de Magomed. Il m'a montré l'école, la boulangerie et son four tandyr, et une très grande maison avec cour intérieure dont j'ai oublié la fonction précise, mais dont la construction a nécessité d'acheminer du bois à dos de moutons. Un mouton porte peu, mais ils étaient nombreux !
L'école est une grande bâtisse : du temps de l'URSS, elle comptait près de 700 élèves ; ils ne sont plus que 120. L'exode rural est important au Daguestan.
Magomed m'a aussi montré le mémorial Vatan, dédié aux Daguestanais avars, lezgins et laks, qui s'étaient unis pour repousser Nadir Shah, le Napoléon persan du 18ème siècle. Et enfin, il m'a invitée à déjeûner à la gostinitsa du petit terrain de camping qu'il a fait créer en contrebas du village. Il y avait juste un chemin boueux et aucune signalisation pour y accéder, et encore aucun touriste. Mais Magomed fait de son mieux pour aider son village à être attractif, et veut rester optimiste quant au potentiel de sa région. J'espère que l'avenir lui donnera au moins un peu raison.