Au cœur du Daguestan / В самом сердце Дагестана
Par Moi le 1 mar. 2019, 18h10 - Dagestan - Lien permanent
Gunib est un gros village avar d'environ 2600 habitants, situé à peu près au centre géographique du Daguestan. Les Avars, sans e, sont le peuple le plus nombreux du Daguestan (un peu plus de 1/4 de la population).
Je croyais être presque arrivée quand j'ai passé le panneau indicateur "Gunib", mais le centre-ville est presque 300 m de dénivelé au-dessus, et la citadelle encore 300 m plus haut...
La montée est raide : Gunib est un village perché typique du Daguestan central. Depuis ces villages en nid d'aigle, on voit arriver de loin les ennemis, ou les tricycles couchés. Ainsi, j'ai été filmée par un smartphone pendant que je montais tout doucement, depuis une maison située 3-4 lacets plus haut, et ces images sont arrivées au village une bonne demi-heure avant moi. Eh oui : la lumière se propage nettement plus vite que le son, qui va lui-même nettement plus vite que mon tricycle...
Quand je suis enfin arrivée sur la grande place du village, j'ai d'abord visé la poste pour une nouvelle tentative d'expédition de mes confitures. Le temps que je sorte mes 2 pots du fond des grandes sacoches, un sympathique petit attroupement s'était formé devant mon tricycle. J'ai pu faire essayer mon engin à 2 gars, pendant que les autres m'expliquaient où je pourrais loger et ce qu'il fallait visiter.
A Gunib, la postière était aimable, et ne voyait aucune objection à expédier un colis pour la France, à condition que ce ne soit pas dans des pots en verre. J'ai fait la tournée des échoppes autour de la place centrale, en me demandant bien dans quoi j'allais mettre l'urbetch et la confiture de kyzyls.
Ce fut laborieux, mais j'ai fini par revenir à la Poste avec des boîtes cylindriques en plastique bien plus larges que les pots de confiture, du gros scotch, et 8 rouleaux de PQ pour caler le tout dans un carton Potchta Rossii. Avec en prime un 3ème pot à expédier : quand j'ai expliqué dans la petite quincaillerie ce que je voulais emballer, la baboushka m'a mis sous le nez un bocal de sirop aux petites pommes de pin en me disant "Regardez, ça pourrait vous intéresser". Tout à fait !
Ensuite, j'ai eu la flemme de monter encore de 300m (dénivelé, pas distance) jusqu'à Gunib-le-Haut, je suis allée me poser à l'hôtel Belye Zhuravli. J'ai tâtonné un peu pour trouver l'entrée : l'hôtel encore en travaux n'était pas signalé, et la réception n'est pas au rez-de-haussée. L'accueil était très agréable, et le prix plutôt bas par rapport au standing ; du coup j'y ai passé 3 nuits, pour visiter tranquillement et confortablement la région.
J'ai hérité d'une spacieuse chambre 3 places avec vue sur la citadelle, et nous n'étions que 2 pensionnaires à utiliser la salle de bains commune impeccablement propre de mon étage.
La propriétaire Zemfira m'a invitée à dîner avec la famille au 5ème étage. J'ai fait la connaissance de son mari Pakhrudin, directeur du musée national à Makhachkala. Zemfira et Pakhrudin ont fait une fois un court voyage en Italie et en France, ils rêvent d'y retourner : on se reverra peut-être dans les Alpes un jour.
Entre autres échanges culturels informels, j'ai eu droit à une petite démonstration d'un exercice de diction. Par exemple, dire Sept cent soixante-dix-sept grenouilles coassaient sous le pont en langue avar, ça dépote ! Plusieurs langues caucasiennes, dont l'avar, possèdent en effet une belle collection de consonnes dites non pulmonaires, dont 2 que j'ai entendues pour la première fois chez mes hôtes avars, tɬʼ et qχʼ (c'est leur notation en alphabet phonétique international, vous voilà bien aidés...).
Il y a encore plus de consonnes en abkhaze, mais l'avar en a 2 ou 3 vraiment originales. Certaines de ces consonnes, qui n'existent dans aucune langue indo-européenne, sont listées et enregistrées ici : fr.wikipedia.org/wiki/Consonne_éjective. Ou alors, écoutez attentivement les paroles des chansons en avar, on entend parfois passer ces sons exotiques...