Pendant les vacances de mes kinés et/ou les miennes, j'essaie de compenser les 3 séances hebdomadaires de rééducation épaule/poignet que je rate.
Mon chirurgien m'a dit que les bains d'eau de mer seraient bons pour moi. Et comme il y a 3 fois moins de sel par litre de Caspienne que par litre de Méditerranée, je prolonge les bains. L'eau est bonne, j'y passe plusieurs heures par jour. Le vent fait souvent déferler des vagues et il y a du courant : même sans les accessoires de KinéBulle, je peux faire travailler mes abaisseurs et mes rotateurs...
La côte daghestanaise n'est pas spécialement jolie ni très propre.
Le spectacle, c'est la diversité des tenues de bain et des styles de baigneurs. A la plage, de temps en temps je sors de l'eau pour prendre des photos.
Les touristes russes ont souvent un maillot de bain, mais les gens du coin se baignent majoritairement en caleçon, en short ou pantalons avec ou sans T-shirt, ou en robe, tête nue ou avec casquette, foulard, chapeau voire capuche "islamiquement correcte" pour les femmes (la population du Daghestan est majoritairement musulmane, avec là aussi une certaine diversité puisqu'il y a des soufis, des chiites et des sunnites "classiques", éventuellement vodka-compatibles).
Outre que ça économise l'achat de maillots de bain, ça permet aussi de se passer de crème solaire. C'est amusant de voir des baboushkas en robe longue plonger allègrement dans les vagues, en souriant de toutes leurs dents dorées.
Parfois, les baigneurs les plus chanceux et rapides attrapent un poisson à la main.
Il est temps que je vous présente ma nouvelle destination et ma nouvelle monture.
La monture, dite Chaise longue à pédales, est un tricycle couché. C'est le modèle que j'avais classé 2ème sur ma petite liste, après essais de quelques tricycles couchés chez Bentoline à côté de Grenoble, et chez Cyclociel à côté de Lyon. J'avais une petite préférence pour le AZUB Tricon, mais j'ai trouvé une bonne occase pour un HP Velotechnik "Scorpion".
Avec cet engin, je peux pédaler confortablement pendant des heures sans provoquer ou accentuer mes douleurs aux épaules et poignets (séquelles de mon accident de mars 2017). Ca ne procure pas les mêmes sensations de pilotage qu'un vélo, et c'est globalement plus lent, mais ça peut être assez ludique : on verra si l'expérience est concluante.
J'en ai tellement bavé pour l'emballer la nuit précédant mon départ que je n'ai pas pensé à photographier le résultat. C'était pourtant assez réussi : en assemblant plusieurs cartons de tailles différentes, j'avais réussi à caréner les 3 roues et le pédalier, et à protéger la transmission en-dessous et le siège au-dessus, tout en permettant à l'engin de rouler sur les roues avant quand on le tenait par un bout de porte-bagages. J'ai quand même chopé de bonnes courbatures dans les épaules en le traînant du parking à l'enregistrement à Cointrin...
Quant à ma destination, je transite par Tbilissi pour aller au Daguestan ou Daghestan , un pays qui n'en est pas vraiment un, mais dont les habitants sont très fiers de détenir le record mondial de la diversité linguistique.
Dans une petite librairie-papeterie de Makhatchkala où je cherchais une carte du Daguestan, quand j'ai dit au propriétaire que je trouvais impressionnant qu'on parle 14 langues dans un petit pays de 3 millions d'habitants, il m'a immédiatement répondu avec un grand sourire qu'on recense pas loin de 40 langues ou dialectes, dont les 14 langues officielles et la majorité d'entre eux ne sont pas mutuellement intelligibles... Les langues officielles du Daguestan se répartissent dans 4 grandes familles : 9 langues caucasiennes appartenant à 4 sous-familles différentes, 3 langues turco-mongoles, une langue persane très minoritaire, et le russe que tous apprennent dès l'école primaire (ou même à la maison ou à la crèche) et utilisent spontanément comme langue de communication avec les inconnus. Plus précisément , on m'a expliqué que l'enseignement est dispensé en russe, mais tous les élèves ont des cours de langue dans au moins une langue locale.
La capitale de cette étonnante république du Nord Caucase russe est assez mal desservie. Via Moscou, correspondance avec une nuit d'attente et changement d'aéroport : un peu dissuasif avec mon bagage spécial... Mon détour par Tbilissi ne me fait évidemment pas gagner de temps, mais les escales (Istanbul, Tbilissi et Vladikavkaz) sont plus agréables. Et puis, j'essaierai peut-être d'ajouter le col Djvaris (2375m) à mon palmarès sur le chemin du retour. J'ai enchaîné 3 tronçons : un taxi avec un très grand coffre de Tbilissi à Kazbegi, en tricycle de Kazbegi à Vladikavkaz, puis un vieux taxi Lada avec galerie de toit de Vladikavkaz à Makhatchkala en traversant la Tchétchénie.
Se déplacer en tricycle couché, même à Grenoble où on voit des tas de vélos, ça ne passe pas inaperçu. Au Daguestan, les touristes étrangers sont rares, et les cyclotouristes très rares. Alors une touriste d'Europe occidentale visitant le Daguestan en chaise longue à pédales, je vous raconte pas... Des têtes étonnées et/ou hilares, ou des mains tenant un smartphone pointant son objectif vers moi, sortent des voitures qui me croisent ou me doublent. Je n'ai jamais aussi souvent été photographiée ou filmée ou interviouvée. Il n'est pas rare que mes interlocuteurs finissent par essayer l'engin, au bord de la route ou dans un hall d'hôtel. Bref, faut s'habituer à ce nouveau statut de star ou de bête de foire, mais globalement, c'est bien sympa !
J'ai pris juste assez de retard dans les mises à jour pour enchaîner la fin de la série 2017 avec le début de la série 2018 : je suis de retour à Tbilissi.
Mais comme je n'ai pas fini de charger les photos de l'été 2017, vous en aurez une petite sélection à mon retour suivant.
Alors voilà, j'ai une fois de plus (la 3ème) atterri à Tbilissi en pleine nuit, avec un nouvel engin. Malgré de nets progrès suite à une rééducation bien conduite de mon épaule, je ne peux toujours pas refaire de rando à vélo, et je me suis un peu lassée du chariot-pulka. Alors, j'ai déballé hier, au fond de la tranquille impasse avec vue de mon gîte "Metekhi Ubani", ma chaise longue à pédales, sous les regards intrigués ou amusés des voisins ou des rares passants.
J'ai passé une journée très tranquille pour récupérer du trajet + petit décalage horaire : grasse matinée brièvement interrompue par le livreur du service "Bagages perdus" (et vite retrouvés) de l'aéroport ; bain chaud et massage aux thermes Tchreli Abanos, établissement historique récemment rénové, et jadis fréquenté par Pouchkine et Alexandre Dumas ; dégustation de glaces au vin, avant de terminer par un bon petit repas géorgien dans un restau du centre ancien.
Pour les vins, c'est un peu compliqué car les appellations ne sont apparemment pas aussi normalisées qu'en France. Parfois on s'y perd un peu entre les noms du cépage, du terroir, du vigneron ou de la coopérative. Mais bon, j'ai mangé une glace au Kindzmarauli, puis bu 2 verres de Mtsvane. Gaumardjos !
Kazbegi, bourgade rebaptisée Stepantsminda après l'indépendance de la Géorgie, est une station touristique où la plupart des taxis et marshrutkas font une halte.
L'ambiance est très différente de celle de Vladikavkaz : il y a là une foule de touristes, des Russes, mais aussi beaucoup d'Européens de l'ouest et de l'est, des Israëliens, des Chinois,...
Sur le parking des marshrutkas, a croisé des touristes occidentaux bien endoctrinés qui croyaient que la frontière avec la Russie était fermée. Faut dire à leur décharge que le site officiel du Ministère des Affaires Etrangères français affirme encore que la frontière est fermée (alors qu'elle est réouverte depuis 2012...), et qu'il classe en zone orange, "déconseillé sauf raison impérative", tout le Nord-Caucase russe où nous venons de passer d'agréables vacances. On a aussi bavardé avec un randonneur médecin espagnol : il avait travaillé avec des ONG humanitaires dans divers points chauds au moment de la chute de l'URSS et de la guerre de Tchétchénie, sa vision était bien plus nuancée et intéressante.
On a fait une dernière petite randonnée au pied du Kazbek, en bivouaquant juste au-dessus du promontoire de l'église Tsminda Sameba de Gergeti, un best-seller des ventes de cartes postales en Géorgie.
Le lendemain matin, montée en direction d'un col au pied du Kazbek, paisible volcan de 5047 m endormi depuis 6000 ans.
Il y avait plein de myrtilles planquées dans les talus un peu à l'écart du touristodrome.
Une fois de retour à Kazbegi, on n'a eu aucune peine à trouver un taxi partagé pour Tbilissi : les conducteurs attendent les clients sur la place du village et devant les terrasses des bistrots. Et les bistrots ont le wifi, on a pu en profiter pour réserver un hôtel dans le quartier Avlabari, bien situé et où il y a pas mal de petits hôtels de bon rapport qualité/prix. Le retour n'a pas été de tout repos : Turkish avait fait du surbooking, et on a passé presque une journée entre 2 guichets éloignés l'un de l'autre de ce grand aéroport et un hôtel excentré en banlieue, en attendant un vol avec quelques places libres.
Lors de notre dernier passage à Vladikavkaz, on a brièvement visité la grande mosquée en chantier de rénovation, une église arménienne près de la voie de tram,
une église orthodoxe perchée au-dessus de ruelles tranquilles, 2 boutiques de souvenirs qui se courent après.
Et, comme à chaque passage dans la ville, on a dîné dans notre restaurant préféré, la tchaïkhana Lookoom, et son agréable terrasse le long de Prospekt Mira, la grande (et unique) rue piétonne où passe le tram. On n'a pas goûté toute la carte, mais on en a exploré une bonne partie, et ma foi c'était bien bon.
Un des serveurs, Aleksandr, a tenu à s'occuper de nous encore une fois, pour pratiquer un peu son anglais. On pouvait se débrouiller en russe avec ses collègues, mais il y a tellement peu de touristes étrangers anglophones qu'Aleksandr voulait s'entraîner avec nous.
La seule colle qu'on lui a posée, c'était de nous trouver le nom de la plante marinée qui accompagnait notre кучмачи (koutchmatchi), une délicieuse recette géorgienne avec, entre autres ingrédients identifiés, foie de volaille, oignon, ail, grenade et coriandre frais. On n'en saura pas plus que son nom local, le джонджоли (dzhondzholi) : les Russes lui ont conservé son nom géorgien. C'est une plante sauvage du Caucase dont le goût ressemble un peu au câpre. J'avais vu les Kurdes ramasser une plante apparemment similaire dans les montagnes du nord-ouest de l'Iran.
Quand on a expliqué à Aleksandr que ce serait notre dernier repas ici car nos vacances se terminaient, il nous a répondu que c'était aussi sa dernière soirée ici : Aleksandr est un jeune étudiant en job d'été, il va commencer ses études en informatique.
Le lendemain, après avoir profité une dernière fois du copieux buffet petit-déj de l'hôtel Kadgaron, on n'a eu qu'à porter nos bagages sur la place de la gare toute proche pour trouver un taxi partagé entre les minibus pour Beslan, localité de l'aéroport de Vladikavkaz et d'une sanglante prise d'otages dans une école pendant la guerre de Tchétchénie, en 2004.
Un conducteur attendait justement 2 derniers passagers pour partir en direction de Tbilissi. Il a sanglé mon chariot-pulka sur sa galerie de toit, et en route. Le passage de frontière Russie / Géorgie a été bien plus rapide au retour.
Notre bref N+1ème passage à Vladikavkaz s'est terminé à l'Avtovokzal N°2, la vieille gare routière, avec un hall en état de décrépitude avancé. C'est de là que partent, entre autres, les marshrutkas pour la Tchétchénie et le Daghestan.
Dans notre marshrutka pour Verkhnyi Fiagdon, la passagère assise derrière nous engage la conversation. Apprenant qu'on envisageait de dormir dans notre tente alors qu'on allait arriver de nuit, elle nous invite à loger chez elle ( quelle excellente idée ! ). On a donc passé la nuit chez Svetlana, dans le hameau de Kharisdzhin.
Svetlana est une modeste retraitée. Elle passe l'été ici, à la datcha, et le printemps et l'automne à Vladikavkaz. Elle trouve l'hiver rude, et préfère alors séjourner chez sa fille en Angleterre. Elle a fait construire une annexe type Algeco à côté de sa petite maison pour accueillir sa famille russo-britannique quand ils lui rendent visite. Comme ils ne sont pas là en ce moment, nous logeons confortablement à leur place.
Au petit-déj, copieux, nous bavardons longuement avec Svetlana. Elle craint que les litiges territoriaux ou communautaires rallument un jour ou l'autre des conflits armés entre l'Ossétie et l'Ingouchie. Elle critique la mode des jeans troués aux genoux, non pas parce que ça ferait désordre, mais parce qu'elle trouve idiot d'augmenter le risque d'avoir des rhumatismes plus tard. Elle nous fait visiter son jardin et ses ruches, et nous offre une poignée d'abricots pour la route. Enfin, au moment où on repart en la remerciant pour son hospitalité, elle nous remercie tout simplement... de ne pas avoir eu peur de venir dans le Caucase.
La randonnée dans la haute vallée du Fiagdon était chouette.
On a trouvé un bivouac *** entre 2 postes de garde-frontière, tellement confortable qu'on y a passé 2 nuits.
Que demander de plus : de la paille sous la tente, un ruisseau à 2 pas, un hangar avec une table et 2 bancs pour pique-niquer à l'abri de la pluie, et... du cumin à foison ! On n'avait qu'à se pencher pour en cueillir. On a savouré une salade tomate-concombre au cumin, une soupe au cumin, des nouilles au cumin, du pain-fromage au cumin, et même du cumin au cumin en marchant le long du chemin. Ca faisait passer le goût de l'eau minérale locale, prélevée à la source, pétillante et délicatement sulfurée...
C'est justement vers cette source qu'on est allées se promener, en longeant le Fiagdon puis le Bugultadon,
à travers des alpages partiellement abandonnés où paissent des troupeaux de chevaux en liberté.
On a demandé à notre hôtel comment aller à Tsey. La réceptionniste nous a rapidement trouvé un taxi à un prix correct. Notre chauffeur Zalim nous a proposé en route d'arranger un week-end chez des amis à Stur-Digora en fin de séjour, et nous a déposées à l' alplager de Tsey.
On est arrivées à l'heure du dîner. Les touristes étrangers sont tellement rares à Tsey que le personnel nous a offert l'apéro et est venu trinquer avec nous. La cuisine était simple mais bonne. Ensuite, on a planté la tente de nuit sous un abri de jardin en bâche plastique : vu ce qui tombait, c'était bien pratique.
Le lendemain matin, petit promenade dans le vallon du glacier Skazdon.
La montée sur le fil de l'arête de la moraine était chouette, mais ensuite le brouillard nous a efficacement dissuadées d'aller voir plus loin.
A la redescente, surprise : les 2 télésièges de la station de ski ne sont pas abandonnés. On croise quelques touristes russes qui font l'aller-retour jusqu'au glacier. Pour terminer cette journée un peu terne, enchaînement banya + petite mousse + apéro + repas -> excellente nuit.
Le lendemain, magnifique éclaircie. On visite un sanctuaire païen un peu perdu dans la forêt,
et on remonte le vallon glaciaire du Tseyadon, d'abord par un sentier écologique qui nous instruit sur la géologie, le climat et la flore du secteur, puis sur de gros amas de blocs charriés par une précédente crue.
Comme dans la vallée du Tcherek, on remarque que les glaciers du Caucase donnent naissance à des torrents qui deviennent rapidement imposants.
Lors du retour suivant à Vladikavkaz, on repasse par Mizur, un bled sinistré depuis qu'une partie des mines ont fermé, encaissé dans les gorges de l'Ardon (pour eux qui connaissent la vallée de la Romanche, c'est plus moche que Rioupéroux, Livet et Gavet réunis).
On a repassé une journée complète à Vladikavkaz, pour relaxer mes épaules, contacter l'agence et éclaircir nos problèmes de pogranitchnikh propuskov : pas de bol, notre permis ossète était, comme le permis kabardino-balkar, limité à 2 districts .
Exit donc la visite du parc national de Stur-Digora... On se contentera de faire une rando du côté de Tsey et une vers Verkhniy Fiagdon.
En attendant, je vous propose une petite visite du tram de Vladikavkaz, que nous avons souvent utilisé pour nous déplacer car la ville est étalée en longueur le long du Terek, et quand on trimballait mon chariot-pulka, c'était le mode de transport le plus pratique.
Il fallait s'y mettre à 2 pour monter les marches, mais une fois dans le tram, on pouvait ranger le chariot entier entre les rangées de sièges sans gêner le passage.
Le tram de Vladikavkaz a été inauguré en 1904, avant même l'ère des Soviets. Il a été municipalisé en 1918, et partiellement détruit par des bombardements en 1942 pendant la bataille du Caucase. Une partie des rails restants avaient été déplacés pour réparer une voie ferrée stratégique. Il a été reconstruit entre 1945 et 1950, puis développé.
Le réseau comporte maintenant 10 lignes, et son plan est assez déroutant. Ce n'est pas un quadrillage "maillé" , ni un réseau "en étoile". Ce serait plutôt le genre pieuvre, voire plat de spaghettis.
Vous pouvez remarquer sur le plan une grande boucle centrale intégralement parcourue par les 10 lignes, 5 la parcourant dans le sens des aiguilles d'une montre, 5 en sens inverse, sans corrélation entre numéro de ligne et sens de parcours.
Sur cette grande boucle, qui fait jusqu'à 1 km de large, se greffent plusieurs branches, dont certaines sont elles-mêmes en boucle, parcourue par 2 lignes en sens inverse l'une de l'autre. Jusque dans les détails, on perçoit la main de l'artiste : voyez plutôt ce plan du terminus partiel (lignes 2 et 10) sur les lignes 5 et 9.
Original, non ? Enfin, faut pas être daltonien pour pouvoir utiliser un tel plan... Pour corser encore la chose sur le terrain, certains arrêts ne sont signalés que par de petites plaques à moitié rouillées accrochées aux câbles ou à un caténaire.
Le seul gros avantage, c'est que notre hôtel était sur la boucle centrale, donc quel que soit le tram dans lequel on montait, on repassait forcément devant notre hôtel, éventuellement après avoir fait tout le tour de la ville dans les grandes longueurs...
Un jour, quand on a demandé à 3 passants assis sur un banc le long des rails quel tram prendre pour rentrer vers la gare, ils nous ont répondu aimablement "N'importe lequel. Mais si vous êtes pressées, prenez le 4 ici ou le 8 là. Si vous voulez visiter le centre-ville au passage, prenez le 1 ici ou le 7 de l'autre côté." Si vous regardez attentivement le plan avec sa grande boucle, vous remarquerez en effet que le nombre de stations est très différent sur les 2 moitiés de la boucle (9 côté ouest, 16 côté est).
Le concept est amusant et finalement assez sympa pour le tourisme. Un peu moins pratique au quotidien ou si on est chargé : pour limiter l'attente, il faut parfois se poster à mi-chemin entre 2 arrêts "opposés" — souvent décalés — et courir prendre le premier tram qui passe à l'un ou l'autre arrêt.
La cabine du conducteur (ou, souvent, une conductrice) est ouverte, puisque c'est là qu'on achète les tickets. Comme dans pas mal d'autres villes russes, les tickets sont produits en rouleaux qui sont ensuite attachés dans la cabine, ou directement en collier ou à la ceinture par les agents chargés de les vendre.
Le conducteur peut faire des arrêts-minute en-dehors des stations : il enfile son gilet fluo avant de descendre acheter son pain ou un petit casse-croûte.
Le conducteur doit aussi enfiler son gilet quand il sort dépanner son tram ou son trolleybus. Je vous ressors une photo d'archive montrant une conductrice avec son seyant gilet fluo réglementaire, de sortie sur le toit de son trolleybus.
Sur le chemin du retour entre Terskol et Naltchik, on a fait étape à Verkhniy Baksan, chez Dzhamal, le conducteur qui nous avait cueillies en bas des gorges de l'Adyrsuu. Il nous avait fait de la pub pour son gîte "Ullu-El", camp de base idéal pour aller au lac Syltranköl, une jolie randonnée qui a le bon goût de ne pas être en zone frontière.
Dzhamal a construit une petite maison d'hôte juste à côté de la grande maison familiale, et sa femme Dzhanet cuisine des spécialités balkares. Au niveau aménagement, on a particulièrement apprécié la petite baignoire dans notre maisonnette. En effet, comme bien souvent en Russie, la plomberie laisse à désirer...
Si vous passez des vacances d'été en Russie, vous apprendrez que c'est la haute saison du remont (la réparation) des installations de chauffage central. En ville, chaque quartier à tour de rôle subit une coupure d'eau chaude de 1 à 2 semaines. En-dehors de ces périodes de réparation, quand le chauffage central marche, la longueur des tuyaux entre chaudière et salle de bains, leur mauvaise isolation thermique, et la qualité souvent médiocre de la robinetterie, vous empêcheront de contrôler la température de l'eau même une fois que vous aurez repéré si les commandes froid/chaud sont standard ou inversées (ne vous fiez ni à la couleur rouge/bleu, ni à la position droite/gauche, c'est aléatoire).
Vous devrez vous habituer à vous laver sous une succession de douches glacées et brûlantes, avec quelques instants d'eau agréablement tiède entre deux tentatives de réglage des robinets ou du mitigeur. Je me demande pourquoi les "douches écossaises" ne s'appellent pas "douches russes", ce serait plus approprié...
Les Russes, endurcis par un rude climat continental, et habitués à apprécier les bienfaits du sauna (qui s'appelle "banya" en Russie), ne semblent pas gênés outre mesure par les défauts de leur plomberie. De toutes façons, ils auraient du mal à attirer des plombiers polonais, je pense...
Bref, chez Dzhamal, les phases de transition entre eau froide et chaude étaient particulièrement très brèves, et la température max était particulièrement élevée.
Mais comme il avait installé une petite baignoire, on a renoncé à prendre une douche pour se préparer un bain d'eau tiède. Parfait, enfin presque : comme la baignoire était courte, fallait faire attention de ne pas laisser traîner une jambe sous le robinet pendant qu'il crachait de l'eau bouillante. J'ai fait un faux mouvement : j'ai eu pendant plusieurs jours une belle cicatrice de brûlure sur un mollet...
Voilà, à part cet incident, la balade au-dessus du village était sympa, y avait des myrtilles et des genévriers le long du chemin.
Ensuite, marshrutka pour Naltchik, en passant par Tyrnyauz (pour ceux qui connaissent la vallée de la Romanche, c'est aussi encaissé et plus laid que Séchilienne), puis retour suivant à Vladikavkaz.
De Terskol, sans permis, on ne peut monter que du côté nord de la rivière Baksan. Le chemin pour l'observatoire du pic Terskol partait de juste derrière notre gîte.
Juste en amont du village, un garde fait payer 300 roubles (moins de 5 €) un ticket d'entrée valide dans les parcs nationaux du secteur. Ensuite, si on monte tôt le matin, c'est tranquille, et la vue est superbe.
On monte d'abord dans une forêt de pins qui sentent aussi bon que là où on s'est fait refouler, puis le chemin passe le long de petites barres de colonnes basaltiques.
Et enfin, en amont d'une belle cascade nommée "Dievitchy kosy" (tresses de jeune fille), on commence à avoir une belle vue sur l'Elbrouz, ou Mingi-Tau en karatchaïevo-balkar.
Si vous avez bien suivi les épisodes précédents, vous ne pouvez plus ignorer que c'est le plus haut sommet d'Europe, et même plutôt 2 fois qu'une avec ses 5642 m (sommet ouest) et 5416 m (sommet est).
Dans le dernier tronçon sous l'Observatoire Terskol, on peut couper droit dans la pente, même sans bâtons et avec un bras quasi-invalide (enfin, sans le chariot-pulka, faut quand même pas exagérer) : les blocs volcaniques soudés à chaud depuis quelques millénaires sont bien stables, et cette roche dure et rugueuse accroche très bien sous les semelles Vibram.
Du pic Terskol (3127m), on voit bien les sommets frontaliers en face, dont l'Ushba qu'on aurait bien aimé voir de plus près.
Les bâtiments autour de l'Observatoire ont l'air à moitié abandonnés, mais il est encore en service.
En redescendant l'après-midi, on a croisé des cohortes de touristes lève-tard. Souvent ils ne montent que jusqu'à la cascade pour prendre une douche rafraîchissante.
Et comme ce sont très majoritairement des randonneurs russes, ils se promènent avec leur sidoushka aux fesses,
ou parfois sanglée sur ou sous leur sac.
Pour mémoire, si vous aviez raté l'épisode au sujet des sidoushki de ma petite promenade en Sibérie : une sidoushka sert de coussin pour s'assoir confortablement sur n'importe quel sol en cours de route.
C'est un accessoire très populaire chez les randonneurs russes, et ça fait partie des trucs que j'ai adoptés au cours de mes voyages.
Ce qui est fabuleux, c'est que Décathlon, qui a ouvert un magasin dans une dizaine de villes de Russie, s'est mis à commercialiser des sidoushki Dekatlon, alors que cet article est introuvable chez Décathlon en France. Pour info, la sidoushka Dekatlon de luxe aluminisée est à 189 roubles (à peine 3 €), et la version de base moitié moins chère.
Avis aux amateurs : à mon avis, c'est une affaire qui pourrait marcher très bien à Grenoble !