Au pays des tapis et des déclinaisons / Табасаранские ковры и склонения
Par Moi le 25 nov. 2018, 19h58 - Dagestan - Lien permanent
Vous vous souvenez peut-être de Radik, le Daguestanais que j'avais rencontré sur les rives du Baïkal. Radik était tabasaran. Il m'avait expliqué - et d'autres Daguestanais me l'ont dit aussi - que sa langue est un peu compliquée : elle comporte une quarantaine de cas de déclinaison. Le tabasaran est une langue aux sonorités originales, caucasienne mais influencée par 2 langues turcophones voisines (azéri et kumyk).
On m'a aussi dit à plusieurs reprises que les Tabasaran font de beaux tapis. Alors, forcément, j'ai eu envie d'aller explorer le district tabasaran, en commençant par son chef-lieu Khutchni, où j'espérais pouvoir visiter des fabriques de tapis.
En chemin, Magomed-Rasul, un cycliste qui passait par là en voiture, s'est arrêté pour discuter et m'offrir des raisins et des prunes. Il m'a demandé si j'avais lu les récits d'Alexandre Dumas dans le Caucase, et m'a invitée à Derbent si ma route repassait par là. Ensuite, un peu plus tard, je me suis planquée pour bivouaquer près d'un petit col agréable : le ciel se dégageait, j'étais un peu fatiguée des nombreuses mini-intervious et photos-vidéos, je voulais me coucher tôt, et si je ne me cachais pas, je serais sûrement invitée par des villageois du prochain bled...
Le lendemain à Khutchni, j'ai eu vite fait le tour de ce bourg plutôt terne, tout en longueur le long d'une vallée pas bien large. Je n'ai pas trouvé de fabrique de tapis, et pour cause : Farkhad m'a expliqué que la dernière avait fermé depuis plus de 10 ans ! Bravo les mises à jour des guides touristiques...
Farkhad m'a guidée jusqu'à l'antre d'un cordonnier qui a recousu mes chaussures cyclo en refusant de me faire payer, puis il m'a invitée à déjeûner avec sa famille : khinkali, tchudu, salade et poulet du jardin, kompot de mûres,... tout était fait maison.
Farkhad avait une technique intéressante pour se débarrasser des guêpes qui venaient se servir à notre table : à l'aspirateur ! Enfin, quand j'ai expliqué par quelle route je comptais repartir, Farkhad m'a déconseillé cette option : à moins de 5 km de Khutchni, cette route allait devenir une piste difficile, il pensait que j'aurais du mal à passer avec mon trike. A la place, il m'a recommandé d'aller voir la cascade à quelques kilomètres de là, puis de retourner à Derbent pour rejoindre une autre route.
A l'auberge près de la cascade, Salman m'a appris qu'il y avait un atelier de tapis dans son village d'origine, Arkit.
J'ai donc fait demi-tour pour rejoindre une autre vallée un peu plus à l'ouest.
Après une invitation pour un thé + goûter chez l'institutrice de Yagdig, et une rude montée, je suis arrivée à Arkit. Le village n'a rien d'extraordinaire mais le site est joli. Nazar, qui m'avait doublée en voiture, m'avait invitée : nouveau thé, puis dîner en terrasse avec sa femme Intiza, leurs 3 enfants, et sa mère Mina, une baboushka avec des dents et un cœur en or.
Curieusement, alors qu'ils ont équipé leur maison d'une salle de bain avec douche, chauffe-eau et machine à laver, les WC à la turque sont dans une cabane malodorante au fond du jardin. Je reverrai ce type d'aménagement dans plusieurs autres villages daguestanais.
Des voisins sont ensuite venus prendre un autre thé (évidemment, tout le village était au courant de mon arrivée). C'est que, voyez-vous, j'étais apparemment la première touriste étrangère, et avec certitude le premier tricycliste couché, à visiter le village d'Arkit ! Tverüz, une amie de Mina, a essayé le tricycle et m'a invitée pour le lendemain.
Le lendemain, Tverüz et Mina m'ont proposé une visite guidée approfondie du village. J'ai pris un thé au Med-Punkt, j'ai visité la poste, la maison de la culture locale avec son mini-musée, l'école vide, et le jardin d'enfants très animé. Je suis arrivée pendant un cours de danses caucasiennes : il a fallu que j'esquisse quelques mouvements de lezginka, encerclée par les bambins qui formaient une ronde endiablée, sous les encouragements des puéricultrices...
Par contre, la fabrique de tapis était fermée : congés annuels, zut ! J'ai juste pu visiter une maison dans laquelle il y a avait un métier et un début de tapis.
Et j'ai remarqué chez mes hôtes de jolis mini-tapis carrés, faits maison, destinés à garnir chaises et tabourets. Forte de mon expérience du taarof iranien, j'ai eu la politesse de refuser quand Tverüz m'a proposé de me faire cadeau de 2 de ces mini-tapis (elle m'avait déjà offert des chaussons en laine et un foulard...). Mais j'avoue que j'ai été presque tentée d'en emporter un pour le siège du trike, ça aurait été classe !